Origine et histoire de la Tour Solidor
La tour Solidor est un donjon fortifié de 33 mètres, bâti sur une avancée rocheuse au débouché de la Rance, dans le quartier de Saint-Servan à Saint-Malo. Elle se compose de trois tours reliées par de courtes courtines et permettait de surveiller la navigation de l'estuaire. Le donjon fut élevé entre 1369 et 1382 sur ordre du duc Jean IV de Bretagne pour contrôler la Rance et rétablir l'autorité ducale sur Saint-Malo. Une mention latine médiévale la nomme Stiridort, terme traduit par « porte de la rivière ». La tour a été édifiée sur des fondations plus anciennes : la tour d'Oreigle (ou Tour Aiquin), un petit châtelet transformé en corps de garde et une enceinte reposant sur des fortifications gallo-romaines du IVe siècle, dont subsistent des vestiges dans le bastion d'entrée. L'installation du donjon permettait notamment de prélever des taxes sur les marchandises transitant par bateau. L'archéologie n'a cependant mis au jour aucun niveau d'occupation lié aux Vikings. En 1588, les Malouins s'emparèrent de la tour pour le compte du duc de Mercœur ; elle n'était alors gardée que par cinq ou six hommes, et en 1590 un capitaine y fut installé avec un petit détachement. Louis XIII ordonna des réparations en 1636. L'ingénieur Siméon Garangeau intégra la tour à l'ensemble fortifié de Saint-Malo entre 1691 et 1697, et la garde fut confiée aux habitants de Saint-Servan en 1694. Au XVIIIe siècle, le pont-levis d'entrée fut remplacé par un pont en pierre en 1756. L'évolution des usages militaires conduisit à transformer la tour en prison pendant la Révolution et l'Empire ; des prêtres, des religieuses et des militaires y furent détenus, et des graffitis sont encore visibles sur les portes intérieures des cellules. Un arrêté du 29 germinal an XII affecta la tour au service de la Marine. En 1886, le ministère de la Marine céda la tour à l'administration des Monuments historiques ; elle fut restaurée par l'architecte Albert Ballu, qui lui donna son grand toit actuel. Aujourd'hui il ne subsiste comme bâtiment que la tour et le corps de garde. De 1970 à 2019, la tour accueillit le musée des cap-horniers, présentant des collections sur la navigation au long cours (cartes, maquettes, instruments) ; une girouette en bois en forme d'albatros offerte par la section chilienne de l'Amicale internationale des cap-horniers a été installée en 2003. La tour est située à proximité de la cité d'Aleth et, à marée basse, l'on peut apercevoir les vestiges d'une chaussée en pierre qui conduisait autrefois au port gallo-romain, le niveau de la mer étant alors plus bas. Jusqu'à la mise en service du barrage de la Rance en 1967, un bac de passagers et de véhicules assurait la traversée régulière de la Rance vers Dinard depuis la cale Solidor. La tour Solidor fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques depuis juillet 1886. Les collections muséales conservent des représentations de la tour : un pastel d'Henri Arondel appartient au musée de Saint-Malo, le musée de Bretagne possède de nombreuses photographies et dessins, et des peintres tels que Maximilien Luce, Charles Wislin, Pierre Boudet, Bernard Buffet, Geoffroy Dauvergne et André Wilder l'ont peinte à plusieurs reprises, ce dernier notamment en 1908 et 1912.