Origine et histoire du Tumulus du Château Bû
Le tumulus dit du Château Bû se situe à Saint-Just (Ille-et-Vilaine) et fait partie du riche ensemble mégalithique de la commune, dont l’origine remonte au Néolithique. Monument unique en Europe, il résulte de la transformation d’un dolmen néolithique en un tumulus surmonté de menhirs, aménagé à l’Âge du Bronze pour accueillir des tombes individuelles. Décrit dès le XIXe siècle, le site a été étudié dès 1956 et a fait l’objet de plusieurs campagnes de recherche et de mise en valeur, aboutissant à des publications scientifiques. La commune a connu des redécouvertes de ses mégalithes lors des incendies de la lande de Cojoux en 1976 et 1989 ; le tumulus a été classé monument historique en 1975. L’incendie de 1989 a provoqué l’éclatement de plusieurs blocs en surface et a conduit à deux campagnes de fouilles en 1990 et 1991 dirigées par Jacques Briard.
Avant sondages, le tertre mesurait environ 35 m d’est en ouest et 25 m du nord au sud, et était surmonté de trois grands menhirs en quartz blanc, d’un bloc de quatre mètres lui aussi en quartz et de petites dalles dressées en schiste bleu. Les recherches ont montré une architecture beaucoup plus complexe que l’apparence extérieure ne le laissait supposer. Sous la partie orientale du tumulus a été mis au jour un grand dolmen composé d’un couloir central long d’environ 5 m, bordé de dalles de schiste ou de blocs de quartz, débouchant sur deux cellules latérales et une chambre terminale. Trois dalles inclinées en schiste obturaient le passage au niveau des seconds piliers. La cellule sud, limitée par des dalles et de petits murets, comporte un pilier central en schiste dont la fonction reste incertaine, tandis que la cellule nord présente une architecture comparable sans pilier. De petites cupules sont visibles sur trois dalles en schiste. La chambre terminale, en grande partie détruite par une fouille clandestine, n’a conservé que sa paroi sud en muret de pierres sèches ; des dalles de pavage ont été reconnues côté sud et la chambre avait probablement un plan polygonal.
L’ensemble dolménique était inclus dans un cairn entouré de trois murs de parement concentriques, le premier conservé sur près de 0,80 m et constitué de petites dalles de schiste soigneusement appareillées, les suivants formés par plusieurs assises de dallettes et de pierres. Dans la partie occidentale du tumulus, les fouilles de 1991 ont révélé trois tombes individuelles attribuées à l’Âge du Bronze, chacune aménagée au pied d’un menhir. La tombe n°1, adossée au grand menhir central en quartz, forme une ellipse d’environ 6 m sur 4,50 m ; elle est entourée d’un cairn ceinturé par 18 dalles dressées en fer à cheval et présente une fosse « en baignoire » profonde de 0,80 m, correspondant à une structure en bois effondrée sous le cairn. La tombe n°2, située au sud et séparée de la première par des dalles de schiste, partage le même type architectural, est entourée d’un cairn d’environ 5 m sur 4 m et contenait les restes d’une structure en bois avec des trous de poteaux suggérant un édicule de bois. La tombe n°3, aménagée plus sommairement au sud-ouest de la cellule du dolmen, est une petite fosse rectangulaire d’environ 2,80 m sur 1,20 m pour 0,80 m de profondeur ; une quatrième petite sépulture est probable près d’un menhir couché, mais le secteur n’a pas été fouillé pour préserver la stabilité des blocs.
Les menhirs du tumulus sont quatre gros blocs en quartz et une grande dalle en schiste ; leurs calages et profondeurs varient : l’un est faiblement enfoncé, un autre est légèrement incliné vers le centre, un bloc repose au sol sans fosse de calage retrouvée et la dalle de schiste surplombe le dolmen avec une partie de sa base simplement posée sur le cairn tandis que l’autre partie est enfoncée et calée. Le mobilier recueilli au niveau du pavage de la chambre dolménique comprend des céramiques (deux petits vases à fond rond, un vase à pied et un vase-support), une petite hache en éclogite verte, une armature de flèche, une série de lames en silex ou grès et une pendeloque perforée en stéatite ; cet ensemble est attribué au Néolithique moyen, vers 3500 av. J.-C. La tombe n°1 ne contenait qu’un fragment d’os long et un vase biconique à cinq anses (environ 105 mm de haut), caractéristique de la culture des tumulus armoricains, fabriqué avec une argile à spicules et un dégraissant granitique ; ce vase permet de dater l’aménagement de la tombe vers 1500 av. J.-C. La tombe n°2 n’a livré qu’un tesson isolé et son architecture suggère néanmoins une datation dans l’âge du Bronze armoricain, tandis que la tombe n°3 n’a fourni aucun mobilier.
L’existence du pilier dans la cellule sud peut témoigner d’une transformation d’un dolmen plus ancien, et deux menhirs en quartz semblent en relation directe avec les tombes principales, jouant le rôle de menhirs indicateurs ; les autres blocs paraissent associés à tombes secondaires. Le rehaussement du tertre par des menhirs a renforcé le caractère monumental du site. Il est probable que le monument ait connu au moins trois phases : l’édification d’un dolmen à couloir au Néolithique, puis la mise en place d’un tumulus surmonté de menhirs à l’Âge du Bronze pour servir de lieu sépulcral et de mémoire aux personnages inhumés.