Origine et histoire
Le tumulus dit de la Butte est un édifice mégalithique situé sur la commune de Vierville, dans le département de la Manche en Normandie ; il se compose de deux cairns juxtaposés, chacun abritant une chambre funéraire. Endommagé en 1826 lors du creusement d'un fossé, le tumulus a révélé de nouvelles sépultures lors de terrassements en 1974, entraînant une fouille de sauvetage et son classement au titre des Monuments historiques le 21 novembre 1974. Une nouvelle campagne de fouilles dirigée par A. Chancerel a été menée entre 1984 et 1986. Édifié sur le rebord d'un plateau dominant une dépression à l'ouest du golfe de Carentan, le monument présente une structure en L formée de deux branches perpendiculaires longues respectivement de 26 m et 18 m. Il pourrait s'agir de deux cairns distincts construits à deux époques : un cairn dolménique circulaire renfermant la chambre A, auquel a été adossé un cairn polygonal contenant la chambre B. L'ensemble est complété au nord et au sud par deux antennes orientées est-ouest, longues d'environ 20 m et 30 m, qui ne présentent pas de structures funéraires. Le premier cairn est constitué de blocs de calcaire dur provenant d'affleurements proches tandis que le sous-sol est formé de calcaire marneux ; une tranchée de sondage a mis au jour dans la branche sud un mur de parement occidental en blocs empilés sur deux à trois assises, d'une hauteur totale de 0,30 m sur environ 4 m de longueur reconnue. Le second cairn a été fortement affecté par les terrassements ; les antennes consistent en un entassement de plaquettes en calcaire reposant sur un talus d'argile probablement issu du raclage du paléosol. La chambre A, fouillée par Guy Verron, est de plan circulaire (diamètre 3,20 m) et reliée à l'extérieur par un couloir court (2,80 m) et étroit (0,70 m) ouvert à l'est ; ce couloir légèrement décentré dessine avec la chambre un ensemble en forme de « q ». La chambre devait être couverte par encorbellement et, d'après son diamètre, la hauteur sous voûte est estimée à au moins 4 m. L'espace interne est divisé en trois parties inégales : au fond nord-ouest un sol pavé de grandes dalles sur environ 3 m², une moitié sud séparée par une cloison de petites dalles dressées sur chant avec un sol dallé sur environ 4 m², et au centre dans l'axe du couloir deux fosses elliptiques creusées de 0,30 à 0,40 m de profondeur ; cette organisation complexe traduit un rite funéraire dont le sens reste inconnu. La chambre B, découverte par A. Chancerel, était de forme polygonale ou quadrangulaire, d'environ 2,50 m de côté (5 à 6 m²) ; elle a été fortement endommagée par des sépultures mérovingiennes et sa partie est a été détruite par la construction d'une route. La chambre B comportait deux couches funéraires séparées par un lit de plaquettes de calcaire, seule la couche supérieure ayant été affectée par les sépultures mérovingiennes. Le nombre d'inhumations y est estimé entre 34 et 38 individus, dont 13 enfants ou adolescents, et plusieurs crânes étaient protégés par des toits en dalles. Les défunts de la première couche étaient déposés en décubitus latéral sur un sol recouvert de grandes dalles posées sur un lit de plaquettes ; sous ce dallage, au contact du sol, ont été retrouvés les ossements fragmentés d'un individu unique dont les membres supérieurs avaient été disposés en position inversée, ce qui indique trois phases d'utilisation de la chambre. La fouille de la chambre A a livré près de 2 625 ossements humains correspondant à 16 adultes et 12 enfants, concentrés au fond de la chambre et sans connexion anatomique. Le mobilier de la chambre A est abondant : restes d'offrandes alimentaires (environ 80 ossements d'animaux et fragments de coquillage), 16 outils en os dont 7 poinçons, 57 outils lithiques en silex, 55 éléments de parure (grains, coquillages perforés, dents percées, perle en ambre rouge, pendentifs en os, perles en stéatite et variscite) et 157 tessons de poterie représentant une dizaine de vases différents. Les datations au carbone 14 des os de la chambre A situent son utilisation entre 5690 ±45 AP et 5339 ±35 AP, soit autour de 3500 av. J.-C. Dans la chambre B, la couche supérieure a livré peu de mobilier — quelques lames, un retouchoir, des armatures de flèches, quelques tessons de style chasséen et un petit tube poli en os — tandis que la couche inférieure contenait une série de littorines percées et de dentales, probable vestige d'un collier, la sépulture individuelle sous le dallage n'ayant aucun mobilier associé. Les datations au carbone 14 des os de la chambre B indiquent une période comprise entre 5375 ±40 AP et 5349 ±34 AP, soit vers 3360 av. J.-C.