Usine Saint-Frères de Flixecourt à Flixecourt dans la Somme

Patrimoine classé Patrimoine industriel Usine

Usine Saint-Frères de Flixecourt

  • 1 Rue de ville le Marclet
  • 80420 Ville-le-Marclet
Crédit photo : Ybroc - Sous licence Creative Commons
Propriété de la commune ; propriété d'une société privée

Période

2e moitié XIXe siècle, 1er quart XXe siècle

Patrimoine classé

Bâtiments de l'usine portant les numéros 1, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 du plan de situation (cad. Flixecourt AD 285, 286 ; AE 73, 135 ; Ville-le-Marclet AL 206, 208) : inscription par arrêté du 23 décembre 1998

Origine et histoire de l'Usine Saint-Frères

Berceau de l’industrie de la toile de jute en France, le site de Flixecourt a été aménagé à partir de 1857 par les frères Saint, fabricants originaires de Beauval qui introduisirent le tissage mécanique du jute en France. De cette phase initiale datent la conciergerie, le bureau et un atelier de fabrication ; sous le Second Empire furent élevés un grand atelier et une chaufferie. En 1894-1895 s’ajouta un vaste atelier de bâches, puis, après 1901, un atelier de fabrication de sacs doté d’une façade curviligne rythmée de pilastres et de frontons ; l’ensemble des bâtiments est construit en briques de couleurs variées et quelques presses à calandre et presses hydrauliques y sont encore conservées.

La famille Saint, originaire de Beauval, s’était installée dans le commerce et la fabrication des toiles dès le début du XIXe siècle : trois frères tisserands s’associèrent et développèrent des réseaux de production et de négoce à Beauval, Rouen et Paris, fondant leur réussite sur des liens familiaux étroits et l’accumulation de capitaux. À partir du milieu du XIXe siècle, alors que le jute, fibre robuste importée des Indes britanniques, gagnait en importance, les frères Saint mirent au point, entre 1855 et 1857, un métier à tisser adapté à cette matière, puis lancèrent une production importante de sacs et de toiles de jute.

Implantée dans la vallée de la Nièvre, l’entreprise acquit d’autres établissements, notamment l’usine d’Harondel et la filature de Saint-Ouen, et fit construire un chemin de fer industriel pour relier ses sites à la ligne Amiens–Boulogne. Sous la direction de Charles Saint, puis de Pierre Saint, la maison connut une expansion considérable : à la fin du XIXe siècle sa valeur a été estimée à plusieurs dizaines de millions de francs-or et, entre 1894 et 1917, elle représentait environ 30 % de la production française de jute. La société évolua d’une société en nom collectif vers une société anonyme au début du XXe siècle.

L’entreprise appliqua une politique paternaliste inspirée du catholicisme social : construction d’une église, logements ouvriers, magasins coopératifs et services sociaux (crèche, maternité, centres de vacances, formation, école ménagère), localisés notamment dans le Château rouge à Flixecourt. Cette organisation économique et sociale conférait aux Saint un rôle central dans la vie locale, résumé par un ancien ouvrier : « Saint Frères était un empire. Ils donnaient du travail. Ils payaient et l’argent repartait chez eux. »

Pour faire face à la concurrence, Saint Frères diversifia sa production : outre la toilerie traditionnelle (toiles d’emballage, toiles doublées imperméables, toiles gommées ou goudronnées, bâches, toiles de stores), l’entreprise produisait du velours de jute pour ameublement et disposait d’activités de corderie. À la Belle Époque la société atteignit son apogée et installa son siège et une maison de vente au 34 rue du Louvre à Paris, fournissant l’État, les compagnies de chemin de fer, des entreprises minières et industrielles, ainsi que des marchés étrangers.

Les difficultés se manifestèrent pendant l’entre-deux-guerres, malgré des innovations techniques telles que le métier à tisser circulaire ; la crise entraîna licenciements et suppressions de logements de fonction, marquant l’affaiblissement du modèle paternaliste. L’entreprise resta cependant compétitive jusqu’à la fin des années 1950, époque où les fibres synthétiques commencèrent à supplanter le jute pour les emballages. En 1969, Saint Frères fut rachetée ; les repreneurs l’associèrent en 1978 à Boussac pour former le groupe Boussac-Saint-Frères, qui connut ensuite des difficultés conduisant à des changements de mains et à des mises en liquidation à la fin du XXe siècle.

L’essentiel des sites de production fut implanté dans la Somme, dans les vallées de la Nièvre et de la Somme : une dizaine d’usines concentraient plusieurs milliers de métiers à tisser et employaient des milliers d’ouvriers, tandis que d’autres établissements se trouvaient dans le Pas-de-Calais, le Nord, la Haute-Garonne et les Pyrénées-Atlantiques. Outre le textile, le groupe exploitait aussi des activités annexes (briqueterie, câblerie, tréfilerie) et possédait des maisons de vente à Paris, Rouen et Anvers ; à son apogée le groupe rassemblait environ 11 000 salariés, dont quelque 9 000 dans le département de la Somme.

Au début du XXIe siècle, le nom Saint Frères est encore repris par plusieurs sociétés locales : certaines activités à Flixecourt relèvent de la confection et de l’enduction textiles pour usages industriels et techniques, et une autre unité, basée à Ville-le-Marclet, se spécialise dans la fabrication de films pour emballage.

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