Patrimoine classé

La grande halle (cad. BS 2) : classement par arrêté du 11 décembre 1987 - Les bâtiments attenants (cad. BS 2) : inscription par arrêté du 11 décembre 1987

Origine et histoire

La Verrerie de Trinquetaille, construite entre 1782 et 1785, est une fabrique de produits verriers située dans le quartier de Trinquetaille à Arles (Bouches-du-Rhône). Elle constitue un des rares sites préindustriels encore lisibles de la région, d'autant plus remarquable que l'industrie verrière a été peu développée à Arles. La fabrique a notamment produit des bonbonnes de type « dame-jeanne ». La Révolution française a entraîné son déclin et l'entreprise n'a fonctionné qu'environ vingt ans.

Avant cette installation, une manufacture de verre blanc s'était établie dans le quartier de la Cavalerie durant la première moitié du XVIIIe siècle ; transférée à Trinquetaille, elle a été active pendant six ans puis a dû fermer en raison du coût élevé du combustible, le bois étant rare dans la région. En 1782, un maître verrier normand s'associe à deux Arlésiens — un commerçant et un avocat — pour s'installer sur le site, utilisant des bâtiments existants et en construisant de nouveaux. Il choisit l'emplacement pour l'accès aux ressources locales : le sable du Rhône et la soude de Camargue. Le bail avec le propriétaire des lieux, M. Datty, avait été signé le 3 février 1781 ; le conseil communal d'Arles a autorisé l'installation le 10 mars 1782, et la société « Grigniard et Cie » est rapidement constituée pour gérer la verrerie avec un bail de neuf ans. Malgré ce contrat, M. Datty tenta en 1785 de faire annuler le bail puis finit par vendre le terrain et les bâtiments à la société pour 11 000 livres après plusieurs procédures.

En 1791, les trois associés n'ayant pas remboursé leurs dettes, la fabrique passe aux mains de quatre bourgeois arlésiens, puis devient la propriété d'un seul, Joseph Yvaren. Deux des associés, Grignard et Boulouvard, furent arrêtés pour leur attachement à la cause royale et exécutés sur la Canebière. L'activité de la verrerie s'arrête définitivement en 1799, fragilisée par une conjoncture défavorable — blocus continental, surimposition et crise révolutionnaire — et par le coût du transport du charbon qui nuit à sa compétitivité. Le charbon, importé de Rives de Giers (Loire), servait de combustible ; 1 440 tonnes ont été utilisées en 1785.

Après la destruction de l'église paroissiale Saint-Pierre de Trinquetaille pendant la Seconde Guerre mondiale, la grande halle aurait servi d'église. La ville a racheté le site en 1979 alors qu'il était occupé par des squats ; la municipalité envisageait de démolir les bâtiments sauf la grande halle pour construire des logements. Des vestiges archéologiques témoignant d'un habitat antique luxueux ont été découverts en 1982, et la grande halle a été classée au titre des monuments historiques le 11 décembre 1987 tandis que les autres bâtiments ont été inscrits à la même date. En 1996, le bâtiment correspondant aux logements des ouvriers a accueilli la nouvelle mairie annexe. Un projet de mise en valeur a été envisagé en 2014 et des travaux de consolidation de la toiture ont été réalisés en 2016.

La manufacture fonctionnait jour et nuit, avec environ 25 fontes par mois, pendant six à sept mois par an — la marche estivale étant interdite en Provence — et produisait environ 600 bouteilles par jour. Une quarantaine de personnes étaient logées sur place. Les métiers présents comprenaient des apprentis chargés d'aller chercher le sable et de cueillir le verre, des ouvriers souffleurs et un maître-verrier, des tiseurs de feu, un régisseur, des porteurs de bouteilles, des magasiniers, un fondeur, des tamiseurs, des potiers et autres ouvriers pour la confection des creusets, un maréchal pour la fabrication des outils, un charretier pour le transport et du personnel d'entretien pour la cour à charbon.

La verrerie produisait un verre noir, couleur verre bouteille, à partir de sable et de soude obtenue de la salicorne de Camargue. La production comprenait des bouteilles ordinaires ou « pintes de Paris », des bordelaises et un tiers de produits divers — bouteilles à huile, bouteilles anglaises, chopines, dames-jeannes et carafes. Les contenants étaient ensuite transportés vides par le Rhône ; avant l'ouverture annuelle, on organisait un ramassage des cendres lessivées et du verre cassé des ménages d'Arles et des environs. La fabrication était destinée à l'exportation : en 1793, sur 313 500 pièces, 96 000 furent vendues au magasin, 73 000 parties à Gênes, 55 000 à Nice, 54 000 à Marseille, 34 000 à Sète et 15 000 à Toulouse, et l'on suppose qu'une partie était exportée vers les Amériques, principal débouché des verreries de Provence.

Sur le plan architectural, la verrerie comprend une halle initiale et un bâtiment ajouté entre 1782 et 1785 ; les constructions utilisent la pierre de taille, notamment la pierre de Beaucaire, et des moellons enduits à la chaux. Le bâtiment A existait avant la grande halle (bâtiment E) construite en 1783 selon un plan basilical abritant deux couloirs de circulation d'air disposés perpendiculairement autour d'un four central de fusion ; plusieurs fours de recuits et creusets complétaient l'installation.

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