Origine et histoire
L’ancienne abbaye de Graufthal, située au lieu-dit Graufthal à Eschbourg dans le Bas‑Rhin, est inscrite aux monuments historiques depuis 1984. Elle serait fondée par Folmar Ier et les premières mentions du couvent de bénédictines apparaissent dans des chartes de 1126 et 1178 ; son patron est saint Gangolphe. Implantée à la limite orientale du diocèse de Metz, l’abbaye a probablement été créée par les comtes de Metz autour de 1100 et placée sous l’obédience de Théoger, abbé de Saint‑Georges en Forêt‑Noire. Après un certain essor, le couvent subit les assauts des Armagnacs et fut sévèrement dévasté au XVIe siècle, notamment lors de la révolte paysanne et des guerres de religion ; il est également signalé comme dévasté en 1525. Dans la première moitié du XVIe siècle, les électeurs palatins, exerçant la fonction d’avoués, s’approprient des terres de l’abbaye et les intègrent au comté de La Petite‑Pierre. En 1551, une sécularisation est négociée avec le pape Jules II au prix du versement d’une rente aux cinq moniales restantes, ce qui contraint les dernières religieuses à se retirer à l’abbaye voisine de Saint‑Jean‑des‑Choux. L’abbaye, dite Saint‑Gangolphe, ne fut jamais reconstruite et ses bâtiments dévastés servirent de carrière pour les maisons du village et pour l’église protestante. L’abbé de Moyenmoutier Dom Alliot signale en 1702 qu’il n’en restait que quelques vestiges.
Parmi ces vestiges, une grande salle voûtée se distingue : longue de 20,75 m et large de 10,50 m, il n’en subsiste aujourd’hui que la partie supérieure des murs sud et est, la partie inférieure étant enfouie sous plusieurs mètres de gravats. À l’origine, cette salle était divisée en trois vaisseaux de six travées, probablement couverts de voûtes d’arêtes hautes d’environ 4 m retombant sur des files de colonnes flanquant la travée centrale. Les éléments sculptés — chapiteaux, frises à motifs de feuillages, d’entrelacs et de palmettes, ainsi que des bases de colonnes ornées de griffes — témoignent d’un décor soigné et situent l’essentiel du travail au cours de la seconde moitié du XIIe siècle. Du côté sud, de petites fenêtres en plein‑cintre percent la partie haute du mur, tandis que des ouvertures dans le mur oriental semblent d’époque plus récente. La destination première de la salle n’est pas établie avec certitude : elle n’était pas l’église et pourrait avoir servi de salle capitulaire ou de réfectoire. À une date indéterminée, l’espace intérieur a été compartimenté par des cloisons, et les fouilles de 1966 ont montré qu’un incendie, qui a provoqué l’effondrement des voûtes, avait laissé les gravats en place ; un simple dallage ayant ensuite été posé au niveau des chapiteaux.