Origine et histoire de l'Oppidum d'Entremont
L'oppidum d'Entremont est un site archéologique de 3,5 hectares situé à Aix-en-Provence, à 3 kilomètres du centre-ville, à l'extrémité sud du plateau de Puyricard, au lieu-dit Entremont. Il fut la capitale de la confédération des Celto-Ligures et a été habité à partir de 180–170 av. J.-C. La prise par les Romains en 123 av. J.-C. entraîna l'abandon du plateau au profit de la nouvelle ville romaine Aquæ Sextiæ, et la ville fut totalement inhabitée vers 90 av. J.-C., soit une occupation d'environ 80 ans. Le plateau montre deux agglomérations successives entourées de remparts : l'Habitat 1, ancien et sommitale, et l'Habitat 2, extension ultérieure de la première. Les collections statuaire et bas-reliefs, dont les têtes coupées, sont conservées au musée Granet.
Le toponyme "Entremont" apparaît au Moyen Âge sous la forme Antremons (Intermontes en latin), et son origine demeure incertaine. Certaines hypothèses l'attribuent au nom de famille Tramonto, propriétaire d'une tour, tandis que d'autres documents médiévaux comme un acte de 1233 mentionnant Intermundo remettent cette lecture en cause. Le sol est constitué d'un calcaire tertiaire du Miocène inférieur avec des rognons de silex, propice à l'extraction de pierres de construction ou de parement. La partie sud offre un calcaire aquatique tendre, adapté à la taille statuaire, et des analyses indiquent que le site était déboisé avant l'installation humaine.
Entremont est représentatif des bourgades celto-ligures et, peuplé par les Salyens, a été considéré comme une polis associant agglomération et territoire. Il formait, selon certains historiens, une ligue militaire et une confédération économique liée à un emporium, Arles, qui alimentait son commerce et sa prospérité ; la population est estimée entre 2 000 et 5 000 habitants. Les textes anciens évoquent la concentration de troupes et des affrontements entre Romains et Salyens lors de la campagne de Caius Sextius Calvinus, conduisant à la prise de l'oppidum en 123 av. J.-C. et à la fuite du roi Teutomalios. Certaines études proposent toutefois que l'abandon effectif résulte d'une destruction militaire survenue entre 110 et 90 av. J.-C., avec une occupation résiduelle sous contrôle romain pendant vingt à trente ans.
Le plateau a une forme triangulaire, en pente douce vers le nord, avec une altitude maximale de 367 mètres et des falaises au sud sur la vallée de l'Arc. La faiblesse stratégique du côté nord fut renforcée par un complexe de remparts protégeant l'accès le long de l'ancienne voie héracléenne. Un sanctuaire antérieur à la cité, daté du premier âge du fer, a été identifié et ses éléments architecturaux en pierre de Bibémus ont été remployés dans les agglomérations suivantes. Ces éléments portent gravures, bas-reliefs et entailles céphaliformes, probablement destinées à recevoir des crânes de héros de la cité, et les gravures d'épis de blé indiquent l'importance des cultes liés à la mort.
Le premier rempart fut érigé vers 175 av. J.-C. et la première phase d'habitat dura environ vingt-cinq ans ; la ville couvrait alors un hectare et formait un parallélogramme bordé d'abrupts au sud et à l'ouest. L'organisation interne montre des îlots d'environ 24 m sur 10,5 m divisés en deux, chacun subdivisé en rangées de pièces ; les rues d'environ 3 m permettaient le passage de charrettes et étaient en terre battue. Des vestiges d'un escalier dans la rue 17 suggèrent la possible présence d'étages dans certaines maisons, et l'entretien régulier des voies a provoqué l'augmentation progressive du niveau des rues.
Vers 150 av. J.-C., la ville s'étendit grâce à un second rempart qui porta la superficie à 3,5 hectares ; ce nouveau rempart atteignait 6 à 7 m de haut, 3,25 m d'épaisseur et était renforcé de tours de 8 à 9 m tous les 18,5 m sur 380 m au nord. La trame en îlots se poursuit mais des égouts furent construits pour recueillir les eaux de pluie, et les rues y sont plus larges tandis que les maisons comportent jusqu'à cinq pièces. À l'ouest, un espace dégagé, peut-être une place, était bordé d'un petit édifice interprété comme une chapelle rituelle et d'une construction abritant des statues de héros accroupis tenant des trophées humains. Des traces abondantes de pressoirs à huile témoignent d'une production oléicole importante, l'îlot 3 pouvant entreposer jusqu'à 3 000 litres d'huile.
Les témoignages épigraphiques sont rares ; une coupe en vernis noir trouvée en 1968 porte une inscription mentionnant un certain Bal(omarios ?) Mardius et témoigne des échanges avec le milieu latin. Le site fut décrit au XIXe siècle comme dégradé par les travaux agricoles et l'usage des pierres, et des découvertes fortuites remontent à 1817 lorsque trois blocs sculptés furent extraits de murs et déposés au musée d'Aix. D'autres trouvailles eurent lieu, notamment en 1877 où furent trouvées quatre têtes humaines accolées, puis pendant la Seconde Guerre mondiale quand des statues en ronde-bosse furent mises au jour. Des fouilles systématiques commencèrent en 1946 sous la direction de Fernand Benoit, qui travailla sur le site jusqu'à sa mort en 1969 ; l'État acquit le site en 1961 et l'armée s'en retira définitivement en 1972. Depuis 1970, les opérations ont privilégié la sauvegarde des surfaces mises au jour ; des fouilles ponctuelles ont livré des découvertes notables comme l'îlot 29 fouillé entre 1981 et 1991 et la poterne sud dégagée en 1992, tandis que des protections au titre des monuments historiques ont été prises dès 1946–1947 et en 1980.
L'essentiel du mobilier découvert est constitué de statuaire conservée pour la plupart au musée Granet, de céramiques majoritairement importées d'Italie, d'Espagne, de Grèce et de Carthage via Marseille, et de monnaies en grande majorité phocéennes.