Origine et histoire du castellum romain
Le castellum de Larçay est une fortification militaire du Bas-Empire romain implantée sur le rebord d’un coteau dominant la vallée du Cher, sur la commune de Larçay (Indre-et-Loire, Centre-Val de Loire). Il se situe à quelques kilomètres au sud-est de Caesarodunum (Tours) et couvre une superficie modeste d’un peu plus de 3 000 m2. Probablement édifié dans la seconde moitié du IIIe siècle, il paraît avoir succédé à un monument commémoratif de type mausolée dont certains éléments ont été réutilisés lors de la construction. Abandonné à la fin de l’Antiquité, son état et son rôle exacts restent partiellement inexpliqués : la construction semble inachevée, les modalités d’occupation sont mal connues et sa place dans un dispositif défensif régional lié à la civitas des Turones doit encore être précisée. Il a sans doute servi à surveiller et contrôler la circulation terrestre et fluviale sur la voie antique reliant Bourges à Tours (ou l’une de ses branches) et sur la rivière qu’il domine. Subsistent des portions de la courtine et certaines tours, vestiges inscrits au titre des monuments historiques par arrêté du 12 juin 1926.
Le coteau porte des calcaires crétacés (craie de Villedieu et tuffeau jaune de Touraine) recouverts de colluvions et de limon ; l’escarpement naturel atteint une trentaine de mètres et le cours actuel du Cher passe à environ 250 mètres au nord du castellum. Le site se trouve à proximité de l’axe de Bourges à Tours et de plusieurs voies secondaires proposées dans la région, et le Cher était très probablement navigable à l’époque antique. À une quarantaine de mètres au sud-est du castellum se développe un grand complexe de 140 × 120 m, construit aux Ier–IIe siècles et d’abord interprété comme une villa sans que cette affectation soit démontrée. Un aqueduc, vraisemblablement destiné à alimenter Tours, traverse en souterrain le pied du coteau ; sa datation reste incertaine mais il est probablement lié à l’essor monumental de Tours à la fin du Ier siècle. L’existence d’une agglomération secondaire autour du castellum est possible mais non prouvée.
Les fouilles menées entre 1984 et 1987 ont mis au jour, au niveau de la muraille sud, un podium carré surmonté de l’amorce d’une rotonde de quinze mètres de diamètre entourée d’une colonnade, interprétée comme un mausolée monumental antérieur au fortin. Un autre bâtiment, interne au fort et situé à l’ouest, semble contemporain du mausolée ; le mobilier archéologique, réduit, suggère une occupation au Ier ou IIe siècle pour cet ensemble. Lors de l’édification du castellum, le mausolée a été en partie démonté et certains éléments, colonnes ou blocs sculptés, ont été repris dans les fondations et les premières assises ; dans l’hypothèse d’un démontage partiel, une portion de la rotonde aurait été intégrée à la muraille sud, auquel cas l’entrée du fortin se trouverait à l’est de ce bastion. La construction du castellum, datée de la seconde moitié du IIIe siècle et peut‑être située entre 256 et 270, s’inscrit dans le contexte de la crise du IIIe siècle et d’un probable programme de défense régionale visant à sécuriser voies et communication. L’édifice n’a toutefois jamais été complètement achevé et il est abandonné à la fin de l’Antiquité ; Louis Boilleau a attribué sa destruction aux incursions des Bagaudes, thèse défendue au XIXe siècle.
Au Haut Moyen Âge, l’intérieur du castellum paraît réoccupé avec des fonctions différentes : des matériaux antiques sont récupérés et des sépultures sont aménagées, dont un sarcophage mérovingien et une fosse en pleine terre. Des tessons datés du XVe siècle et des palissades éventuellement contemporaines ont été identifiés, tandis que des colluvions modernes recouvrent ces aménagements. L’intérieur du site a été loti et transformé en jardins dans les années 1970, perturbant fortement les niveaux archéologiques, et des constructions modernes s’appuient sur les portions ouest et sud de la courtine.
La découverte et l’étude du castellum ont une longue histoire : l’édifice apparaît sur une carte de 1770 et sur le cadastre de 1808 sous le toponyme « la Tour ». Il a été signalé au XIXe siècle par Louis Boilleau et Jean-Jacques Bourassé, visité par Arcisse de Caumont et Charles Roach Smith, et examiné par une commission de la Société archéologique de Touraine, dont Charles Mourain de Sourdeval a proposé une interprétation fonctionnelle. Henry Auvray a entrepris un débroussaillage avant la Seconde Guerre mondiale, Pierre Audin a réalisé de petites fouilles au début des années 1970, puis Jason Wood a conduit des fouilles d’envergure accompagnées de mesures de résistivité de 1984 à 1987, publiées dans le Bulletin de la Société archéologique de Touraine ; aucune étude spécifique n’a été menée depuis.
Le plan du castellum est un trapèze irrégulier aux dimensions intérieures de 66 × 50 m, soit environ 3 150 m2 ; la grande base de 66 m est tournée vers le nord, presque à l’aplomb du coteau, et la petite base orientée au sud mesure 60 m. L’accès principal s’ouvre dans la muraille sud ; Jason Wood a proposé l’hypothèse d’une porte plus étroite dans la courtine occidentale, flanquée d’une tour intermédiaire. Seuls les côtés sud et est peuvent être intégralement restitués, la face ouest n’étant connue que sur la moitié de sa longueur et l’élévation du mur nord n’ayant jamais été mise en évidence, ce qui laisse ouverte l’idée d’un plan originel partiellement inachevé.
Sur la majeure partie de son périmètre, l’élévation repose sur des aménagements de fondation sommaires plutôt que sur des tranchées maçonnées : lits de pierres sèches, couches d’argile compactée et blocs de réglage en tuffeau, meulière ou calcaire constituent la base des murs. Des éléments de remploi, parmi lesquels des tronçons de fûts de colonnes coupés dans la longueur et des blocs sculptés, ont été incorporés dans les fondations ou retrouvés lors de creusements ultérieurs. La courtine, large de 4,20 m au sud, 3,50 m sur les flancs et 2,20 m au nord, combine deux parements en petit appareil alternant avec des lits de terres cuites architecturales et un noyau de blocage noyé dans un mortier à la chaux ; le parement d’origine n’est conservé que par endroits, notamment sur la face intérieure.
Les tours d’angle, à l’exception du nord‑ouest, sont en forme de trois-quarts de cercle et la tour d’angle nord‑est présente un diamètre de 6,60 m. D’autres tours intermédiaires, en partie en U, renforcent les faces est et ouest, tandis qu’une tour massive en U se situe sur la face sud, peut‑être au niveau de la porte. Ces tours sont plaquées contre la courtine sans liaison maçonnée, ce qui se traduit par de larges fissures aux jonctions et suggère des campagnes de construction distinctes ; lorsqu’elles sont bien conservées, leur hauteur correspond à celle de la courtine.
Le mobilier archéologique issu des fouilles est peu abondant : une vingtaine de monnaies attribuées à Vespasien, Constantin, Faustine la Jeune et à la fin du IIIe siècle sont signalées sans localisation précise, et des céramiques à vernis rouge et de la sigillée ont été recueillies et déposées à la Société archéologique de Touraine sans données chronologiques ou topographiques détaillées.