Origine et histoire du Viaduc des Fades
Le viaduc des Fades a été construit par les anciens établissements Cail pour permettre à la ligne de Volvic à Lapeyrouse de franchir la vallée de la Sioule ; il s’inspire du modèle du viaduc de Tardes réalisé par Eiffel en 1883. Ouvrage « mixte », il associe un tablier métallique droit posé sur deux piles en maçonnerie qui forment, avec les culées, trois travées. Les piles, de plan rectangulaire et à section décroissante vers le sommet, sont couronnées d’une rangée de consoles évoquant des mâchicoulis ; le tablier est une poutre en treillis à deux niveaux dont le longeron repose sur les piles au moyen de patins surélevés. Une passerelle piétonnière se développe au nu inférieur du tablier et est accessible par une trappe ; au sud, le viaduc rejoint le flanc de la vallée par une culée en maçonnerie percée d’une arche, tandis qu’au nord une pile et un petit tablier reproduisent en réduction la structure des travées principales. Situé entre Sauret-Besserve et Les Ancizes-Comps, dans le Puy-de-Dôme, il demeure le plus haut pont ferroviaire de France et ses deux piles en maçonnerie, qui culminent à plus de 92 mètres hors fondations, constituent encore le record mondial dans leur catégorie. Le viaduc dessert la ligne de Lapeyrouse à Volvic (tronçon de la relation Clermont-Ferrand–Montluçon via les Combrailles) ; son exploitation a été suspendue le 9 décembre 2007 par la direction régionale de la SNCF pour des raisons de sécurité et la ligne est aujourd’hui neutralisée au titre de son statut domanial.
Le toponyme « Fade » dérive de l’occitan fada, « fée », et a donné lieu à des légendes locales : l’écrivain Benezet Vidal rapporte dans Jan Combralha une tradition selon laquelle des fées vivraient sur les berges de la Sioule, et une autre variante raconte que deux sœurs, à la fin de leur vie, auraient financé la construction d’un petit pont local baptisé « pont des Fadas », nom qui se serait étendu au lieu puis au viaduc.
Le projet du viaduc s’inscrit dans la création de la ligne, initialement dénommée « de Saint-Éloy à Pauniat », déclarée d’utilité publique et concédée à la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans ; entre 1893 et 1896 les ingénieurs Dupin et Guillaume étudièrent successivement des solutions sous la direction d’ingénieurs en chef, puis Félix Virard reprit l’étude à partir du 1er novembre 1896 et son projet fut approuvé par l’administration ministérielle. La Société française de constructions mécaniques (Anciens établissements Cail) fut adjudicataire des travaux ; le projet retenu prévoyait un viaduc semi-métallique composé de trois travées en acier et fer puddlé à treillis triple, de type Warren (ou Town selon l’AFGC), reposant sur deux piles monumentales en moellons de granit, mais un glissement de terrain survenu lors de la construction de la culée rive gauche imposa de remplacer les deux arches en maçonnerie prévues sur cette rive par une travée métallique secondaire plus légère.
Le chantier, commencé en octobre 1901, confia la construction des piles à la corporation des maçons itinérants de la Creuse ; bâties à chaux et à sable et évidées, ces piles furent élevées sans échafaudages extérieurs grâce à un accès intérieur par monte-charge. Le montage du tablier s’est effectué au moyen de deux « cages » volantes parties de chaque rive et équipées pour le bardage, la pose et le rivetage ; les travées latérales de 116 mètres furent montées pour moitié sur un échafaudage géant reposant sur piles provisoires en bois puis complétées en porte-à-faux, tandis que la travée centrale de 144 mètres fut mise en place entièrement en encorbellement, la jonction finale s’opérant le 18 mai 1909. L’ouvrage fut achevé le 11 septembre, soumis aux épreuves de résistance du 14 au 16 septembre avec un train chargé de ballast de 1 075 tonnes et inauguré le 10 octobre 1909, avant d’être mis en service dix jours plus tard.
Au moment de son achèvement le viaduc figurait parmi les plus hauts ponts du monde ; en 2024 il occupe la soixante-sixième place mondiale pour la hauteur, la deuxième place européenne derrière le viaduc de la Mala-Rijeka et la première place en France devant les viaducs de Garabit et du Viaur. À plus d’un titre, l’ouvrage illustre la rigueur de la poutre droite : son tablier est considéré comme un exemple remarquable de ce type et ses piles, dont la base dépasse aisément la surface d’un court de tennis, constituent l’une des réalisations majeures de maçonnerie traditionnelle.
Par défaut d’entretien depuis 1982, le tablier métallique a connu une corrosion avancée qui menace la sécurité et la pérennité de l’ouvrage ; mobilisé comme site emblématique par la Fondation du patrimoine en 2019, le viaduc a bénéficié d’un soutien de 500 000 euros issus du Loto du patrimoine pour lancer un projet de réhabilitation touristique porté par l’association Sioule et Patrimoine, la Fondation et les acteurs locaux. SNCF Réseau, gestionnaire depuis le 1er janvier 2015, a signé au printemps 2020 une convention de transfert de gestion avec la communauté de communes Combrailles Sioule et Morge, permettant notamment l’ouverture le 27 juin 2020 d’un parcours de vélorail à assistance électrique de 7,5 km entre l’ancienne gare des Ancizes-Saint-Georges et Les Fades, incluant la traversée du viaduc jusqu’à son milieu.