Origine et histoire du Musée Rimbaud
Le vieux moulin, situé sur les bords de la Meuse à Charleville-Mézières, abrite aujourd'hui les musées Arthur-Rimbaud et de l'Ardenne. Son histoire est liée à la fondation de la ville par le duc Charles de Gonzague en 1606 ; dès 1626 il fait édifier un moulin banal sur la Meuse, construit principalement en brique et pierre jaune par Claude Briau dans le cadre du plan d'urbanisme de Clément Métezeau. Bâtiment d'aboutissement de la perspective de la rue principale, il joue le rôle d'une quatrième porte monumentale marquant l'extrémité nord de la cité en bord de Meuse. Sa façade se caractérise par quatre colonnes ioniques annelées s'élevant sur toute la hauteur, un entablement puissant et un fronton triangulaire. Le moulin commence à moudre et à produire de la farine en 1627 et assure des revenus à la ville pendant plus d'un siècle. Dans la nuit du 2 au 3 juillet 1754 un incendie détruit entièrement l'intérieur ; la famille du meunier, les Payer, échappe de peu et l'origine du sinistre demeure indéterminée, entraînant une importante bataille juridique. Pendant plus de deux ans le moulin est hors d'usage, le meunier part s'installer à Vouziers et le dôme primitif est remplacé par le toit actuel lors des réparations. Le bâtiment est vendu comme bien national à la Révolution et utilisé comme tel jusqu'en 1887. Au temps de la jeunesse de Rimbaud se trouvaient à proximité des tanneurs et le lavoir municipal. Mis en vente en 1893, le moulin est acquis par la municipalité puis restauré par l'architecte Petitsfils. Les façades et toitures sont classées au titre des monuments historiques en 1981.
La constitution d'une collection municipale consacrée à Arthur Rimbaud commence en 1927 avec le legs d'objets par A. Gilbert, présentés alors dans la section "divers" du musée de Charleville installé dans l'ancienne chapelle du Sacré-Cœur. En 1954 Henri Matarasso fait un don décisif comprenant notamment une édition originale d’Une saison en enfer, la valise que Rimbaud avait emportée en Afrique et des cartes, et sollicite des artistes contemporains pour une édition bibliophilique, obtenant des portraits de Pablo Picasso, Alberto Giacometti et d'autres. Jean Cocteau et Joan Miró figurent parmi ceux qui donnent des œuvres au musée naissant. En 1969 la collection s'installe au deuxième étage du Vieux-Moulin, qui accueille aussi le premier musée de l'Ardenne, et depuis 1991 le musée Arthur-Rimbaud occupe l'ensemble du bâtiment. Une rénovation complète des espaces en 2014-2015 permet la mise aux normes et l'instauration d'une muséographie moderne ; l'artiste Claude Lévêque est associé à cette rénovation et conçoit notamment le Cadran du grand escalier.
Avant la rénovation de 2015, la collection permanente exposée au rez-de-chaussée comprenait lettres, télégrammes et photographies, ainsi que des objets liés au périple de Rimbaud à Chypre et en Afrique (valise, pièces d'étoffe, montre, livres techniques) et une malle itinérante reconstituée. Une esquisse du tableau de Fantin-Latour Le Coin de table était présentée, de même que des éditions originales et des manuscrits autographes, en particulier le manuscrit du poème "Voyelles", et des fac-similés. Un hommage aux artistes du XXe siècle évoquait ceux dont l'œuvre fait référence à Rimbaud, tels que Picasso, Fernand Léger, Jean Cocteau, Max Ernst et Ernest Pignon-Ernest, et un escalier conduisait aux étages consacrés aux photographies d’Éthiopie et aux expositions temporaires.
Depuis 2015 le parcours de visite se déploie sur quatre étages, du grenier au rez-de-chaussée, et ne présente que des œuvres et documents originaux, excluant les fac-similés et entraînant une rotation semestrielle des pièces sur papier sensibles à la lumière. Le grenier propose une immersion poétique par des "douches sonores" qui font entendre les poèmes de Rimbaud et renvoient au grenier de la ferme de Roche où Une Saison en enfer a été finalisée. Le deuxième étage, intitulé "Rêveries", est consacré à l'enfance dans les Ardennes et aux premiers écrits, mêlant photographies, tableaux, gravures et documents anciens pour contextualiser le Charleville du XIXe siècle, avec des œuvres de Paterne Berrichon et des illustrateurs de Rimbaud. Le premier étage, "Révolutions", évoque les bouleversements autour de 1871, l'influence de la Commune de Paris, la rencontre avec Paul Verlaine, l'arrivée à Paris et le passage à la poésie en prose ; y sont présentés en alternance des portraits d'artistes contemporains ayant fait de Rimbaud une icône, ainsi qu'une petite salle abritant les documents les plus précieux comme les manuscrits autographes de "Voyelles" et "A la Musique" et la célèbre photographie prise par Étienne Carjat. Le rez-de-chaussée, articulé autour des espaces "Voyages" et "Vers l'Afrique", revient sur la dernière période de sa vie et expose dans une atmosphère de cabinet de curiosités la valise, des couverts, des livres et une montre, ainsi que des œuvres contemporaines abordant cet aspect de la vie du poète. En bordure de Meuse, la salle de l'Auberge verte constitue une annexe dédiée aux conférences, ateliers et expositions temporaires, et, sur le même quai, le numéro 7 abrite l'une des anciennes demeures de la famille Rimbaud devenue la Maison des Ailleurs, qui prolonge la visite du musée.
Parmi les expositions temporaires récentes figurent Alfred Ilg, un Suisse en Abyssinie (2016), Isabelle, de l'ombre à la lumière (2017), Rimbaud, Verlaine, parallèlement (2018) et Rimbaud photographe (2019).
