Origine et histoire de la Villa dite château Laurens
La villa dite château Laurens, construite entre 1898 et 1900 pour le docteur Emmanuel Laurens, est élevée dans un esprit néo-classique ; ses décors intérieurs relèvent de l'Art nouveau. Édifice éclectique, elle associe des séquences Art nouveau et néo-grecques à de grands décors empruntés à l'égyptomanie et à l'orientalisme. Emmanuel Laurens, issu d'une famille de maîtres maçons agathois où son père était ingénieur et son oncle architecte de la ville, hérite en 1897 d'une importante fortune et, la même année, de la parcelle de Belle-Isle sur laquelle il érige la villa après un long voyage à travers la Russie, l'Ouzbékistan et l'Autriche, au cours duquel il rassemble de nombreuses pièces d'art et d'artisanat. Fortuné et collectionneur, il conçoit la demeure comme une œuvre d'art totale mêlant architecture, décor, mobilier et art de vivre ; il est par ailleurs propriétaire, dès 1898, d'une villa à Boulouris Saint-Raphaël. Les artisans et artistes ayant travaillé à la villa ne sont pas tous identifiés, mais plusieurs attributions sont connues : Eugène Dufour réalise les décors peints du grand salon et un dessin monumental de Louis Anquetin ornait le plafond du bureau. La salle de bains comporte une baignoire-piscine décorée de faïences des ateliers de Sarreguemines due à Eugène Martial Simas, et les vitraux des petits appartements sont signés Eugène Simas et Théophile-Hippolyte Laumonnerie. Laurens commande aussi du mobilier à Léon Cauvy et à l'ébéniste Paul Arnavielhe ; une partie de ce mobilier, ainsi que des pièces attribuées à Carlo Bugatti, ont été repérés et pour certaines rachetés par la Ville d'Agde. Incapable d'assumer l'entretien de la villa, il la vend en viager en 1938 ; pendant la Seconde Guerre mondiale, des militaires allemands l'occupent et laissent des pochades sur les murs d'une grande pièce évoquant la vie de garnison. Louise Blot, qu'il épouse en 1921, meurt en 1954 ; Emmanuel Laurens décède en 1959 et la villa, laissée à l'abandon, se dégrade progressivement. La Ville d'Agde acquiert la propriété en 1994 et la communauté d'agglomération Hérault Méditerranée conduit d'importants travaux de restauration sous la maîtrise d'œuvre de RL & Associés ; les travaux, initialement estimés à 10 850 000 €, atteignent un coût total de 15 000 000 € et aboutissent à l'ouverture au public le 23 juin 2023, après seize années de chantier. Bien qu'encore peu connue du grand public, la villa Laurens représente un jalon majeur de l'architecture et des arts décoratifs du tournant du siècle dans le sud de la France. Pour le salon de musique, dont les toiles murales n'ont pu être reposées, l'État commande en 2015 à Wilfried Mille et Ida Tursic un décor monumental pérenne intitulé Blow-Up. Le photographe Sylvain Héraud consacre une série de clichés à la villa dans son ouvrage consacré aux demeures abandonnées et hantées par le temps. L'ensemble de la villa avec son décor, y compris les constructions et aménagements du jardin — à l'exception de la partie ouest au-delà de la haie de thuyas transformée en verger d'amandiers — ainsi que les bassins, l'orangerie et le pavillon de la turbine hydroélectrique avec son dispositif technique, fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques depuis le 12 avril 1996. Si l'architecture n'a guère été modifiée, le mobilier et les éléments de décor portables ont été dispersés et réapparaissent partiellement lors de ventes publiques ; dès 1994 et 1997, la Ville d'Agde rachète l'ensemble de meubles créés pour la villa en 1898 — une banquette d'angle, un bureau, deux armoires, un fauteuil et quatre chaises au décor de cuir pyrogravé par Léon Cauvy —, mobilier désormais classé et exposé au musée agathois Jules-Baudou avant d'être réinstallé dans la demeure.