Villa E 1027 d'Eileen Gray à Roquebrune-Cap-Martin dans les Alpes-Maritimes

Villa E 1027 d'Eileen Gray

  • 06190 Roquebrune-Cap-Martin
Villa E 1027 dEileen Gray
Villa E 1027 dEileen Gray
Villa E 1027 dEileen Gray
Villa E 1027 dEileen Gray
Propriété d'un établissement public de l'Etat

Période

2e quart XXe siècle

Patrimoine classé

La villa avec son jardin et son terrain (cad. AN 249, 250) : classement par arrêté du 27 mars 2000

Origine et histoire

La villa E-1027, dite Maison en bord de mer, occupe un promontoire du cap Martin à Roquebrune-Cap-Martin, accessible uniquement par le sentier du littoral. Conçue et réalisée de 1926 à 1929 par Eileen Gray pour et avec Jean Badovici, elle illustre l'architecture moderniste des années 1930. Son nom codé rassemble les initiales des deux concepteurs : E pour Eileen, 10 pour J, 2 pour B et 7 pour G. La maison, en partie portée sur pilotis et disposée en L, présente un toit-terrasse accessible, de longues baies vitrées, terrasses, loggias, un atrium et un escalier intérieur en spirale desservant deux niveaux. Le plan articule un bloc central séjour-chambre autour duquel se développent cuisine à cloisons escamotables et espaces extérieurs destinés à préserver intimité et confort. L'aménagement intérieur et le mobilier, tous dessinés par Eileen Gray, utilisent des matériaux modernes de l'époque : celluloïd, câbles acier et tendeurs, fibro-ciment, aluminium et tôle ondulée ripolinée. Une partie du mobilier a été vendue ; quelques pièces ont été acquises par le Musée national d'Art moderne au Centre Georges‑Pompidou. Jean Badovici, propriétaire, habite la villa jusqu'à sa mort en 1956. En 1960 la propriété est acquise par Marie‑Louise Schelbert, qui la vend en 1974 à son médecin Peter Kaegi tout en conservant l'usufruit jusqu'à son décès en 1982. Kaegi ne procède à aucun entretien et met aux enchères le mobilier en 1991, malgré l'inscription du bâtiment à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1975. Après le décès de Kaegi en 1996, la maison, abandonnée, est gravement endommagée par des squatteurs en juin 1998. À partir de 1999 la commune, conseillée par le Conservatoire du littoral, mandate l'architecte Renaud Barrès pour inventorier la maison et préparer sa restauration, tandis que l'État engage la procédure de classement qui aboutit par arrêté le 27 mars 2000. La même année le Conservatoire national du littoral acquiert le site et en confie la gestion à la commune, ouvrant déjà la visite libre extérieure. Un premier projet de restauration mené par l'architecte en chef des monuments historiques, Pierre‑Antoine Gatier, prévoyait la remise en état sans reconstitution du mobilier, mais la commune le juge trop onéreux ; d'autres études, incluant la reconstitution du mobilier, sont alors proposées par des équipes dirigées par Burkhardt Rukschcio et Renaud Barrès. Les travaux engagés en 2007 ont porté sur le gros œuvre, la serrurerie, la menuiserie, l'électricité, le chauffage et la polychromie, mais leur qualité suscite rapidement des critiques en raison d'observations de corrosion, d'infiltrations et d'erreurs de restitution. En 2013 le mécène Michael Likierman lance un nouveau programme via l'association Cap Moderne, qui mandate l'architecte du patrimoine Claudia Devaux et organise un comité scientifique présidé par l'historien Jean‑Louis Cohen pour piloter une restauration complète. Des essais de reconstitution du mobilier commencent en 2015, et en 2016 Cap Moderne engage Renaud Barrès et Burkhardt Rukschcio comme experts pour élaborer le guide de restauration, reconstruire le mobilier disparu et conduire les travaux avec Claudia Devaux. Les travaux, achevés en 2021, restituent la maison telle qu'à son achèvement, avec l'ensemble du mobilier et des équipements reconstitués à l'identique de 1929. Le projet a reçu plusieurs distinctions, dont le Geste d'or en 2019, le prix Europa Nostra en 2022 et la médaille de la restauration de l'Académie d'architecture en 2023. La gestion du site a d'abord été confiée à la commune puis, à partir de septembre 2014, à l'association Cap Moderne soutenue par le fonds de dotation Eileen Gray ‑ Le Corbusier ; depuis 2021 la gestion est assurée par le Centre des Musées Nationaux. La villa a servi de lieu de tournage pour le film The Price of Desire, sorti en 2015, qui propose une interprétation romancée des relations entre Gray, Le Corbusier et Badovici. Le Corbusier, proche de Badovici depuis les années 1920 et fréquentant la villa à partir de 1937, peint huit fresques durant les étés 1938 et 1939, dont cinq subsistent aujourd'hui ; ces décors, source de controverses avec Gray, ont toutefois contribué à l'attention portée à la conservation du site.

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