Période
1er quart XXe siècle
Patrimoine classé
La villa avec la décoration intérieure et le mobilier (cad. B 208) : classement par arrêté du 15 septembre 1966 ; Les dépendances et le jardin de la villa Kérylos, en totalité, avec sa maison de gardien, sa cour anglaise au Nord, la galerie des douaniers, le garage à bateau, les fabriques de jardins, ses clôtures, portails et murs de soutènement ainsi que la parcelle d'assiette de l'ensemble, tels que délimités sur le plan annexé, situés 65 rue Gustave Eiffel sur la parcelle n° 108, figurant au cadastre section AH : inscription par arrêté du 14 novembre 2024
Origine et histoire de la Villa Kérylos
La villa Kérylos, située à Beaulieu‑sur‑Mer sur un promontoire dominant la Méditerranée, a été construite entre 1902 et 1908 par l'architecte Emmanuel‑Elisée Pontremoli pour l'historien et archéologue Théodore Reinach. Conçue comme une reconstitution idéale d'une demeure grecque hellénistique, elle intègre cependant le confort moderne, y compris l'éclairage électrique. La composition reprend le plan d'une maison de Délos avec un péristyle ceint d'une cour carrée autour de laquelle s'organisent pièces de réception, bains et appartements privés. Le péristyle est entouré de douze colonnes monolithes en marbre blanc de Carrare taillées par Nicoli et décoré de fresques mythologiques peintes à la manière antique par Adrien Karbowsky et Gustave‑Louis Jaulmes, tandis que les stucs sont l'œuvre de Paul Gasq. Les bains (balanéion) révèlent un équipement inspiré des thermes antiques, avec bassin central et abside ; les anciennes cuisines et offices ont été transformés en salles d'exposition et de conférences. La bibliothèque, pièce maîtresse, présente des meubles en bois fruitier chevillés et marquetés d'ivoire, de buis et d'ébène d'après des modèles antiques, des sièges en cuir, des coffres cloutés et des collections d'ouvrages consacrés à la civilisation grecque. Le mobilier et la vaisselle ont été conçus selon des modèles anciens : les meubles sur dessins de Pontremoli ont été réalisés par l'ébéniste Bettenfeld, la vaisselle par Emile Lenoble, et les tentures de lin brodées par l'atelier Ecochard. Matériaux précieux — marbre de Carrare, albâtre, bois exotiques et citronnier — ainsi que incrustations d'ivoire, de bronze et de cuir soulignent l'alliance entre reconstitution archéologique et luxe de la Belle Époque. L'ornementation picturale du péristyle illustre des épisodes antiques majeurs, parmi lesquels la mort du géant Talos et le mariage de Pélops et Hippodamie, ainsi que plusieurs scènes liées à Apollon, Dionysos et le retour d'Héphaïstos. La statuaire, composée en grande partie de moulages grandeur nature et de reproductions, comprend des exemplaires du Sophocle du Latran, de l'Aurige de Delphes, d'Athéna, d'Alexandre et d'autres figures antiques exposées dans les salons et trois galeries créées à la fin du XXe siècle. Les pièces de réception — triklino, andrôn, oïkos — reproduisent usages et décors grecs : salle à manger octogonale avec plafond doré et mosaïque centrale, salon masculin revêtu de marbres et mosaïques illustrant le mythe du labyrinthe, et petit salon dédié à Dionysos orné de scènes de vendanges. Au premier étage, chambres et appartements conservent des décors peints et des aménagements inspirés de modèles antiques, tandis que le deuxième étage servait de logement de fonction et les sous-sols furent adaptés pour des expositions et conférences. La construction, financée pour l'essentiel sur la fortune de la famille de Reinach, fut léguée à l'Institut de France à la mort de Théodore Reinach en 1928 ; la villa a été classée monument historique en 1966 puis aménagée en musée et ouverte au public en 1967. Au cours du XXe siècle, certaines dépendances et pièces de service ont été transformées en salles de conférences, en bureaux ou en espaces d'accueil, et des événements culturels et scientifiques y sont régulièrement organisés. La gestion a successivement impliqué la Fondation Théodore Reinach ; depuis le 1er janvier 2016, le site est pris en charge par le Centre des monuments nationaux. La villa a accueilli diverses manifestations et expositions temporaires, et a servi de lieu de réception pour des visites et événements institutionnels. L'ensemble formé par la villa, ses dépendances et son jardin — cour anglaise, galerie des douaniers, garage à bateau, maison de gardien et fabriques de jardins — a fait l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques par arrêté du 14 novembre 2024. Un atelier de céramique installé sur place permet d'expliquer les techniques artisanales antiques et complète l'offre muséographique. Kérylos illustre une architecture néo‑antique mêlée d'influences Art nouveau, où la recherche archéologique et le goût décoratif de la Belle Époque se répondent pour recréer une demeure hellénistique adaptée au XXe siècle.