Origine et histoire de la Villa La Sapinière
Villa La Sapinière, située au 20 avenue Anna de Noailles à Évian-les-Bains, occupe l'extrémité occidentale de la ville, en bordure du Léman, entre les jardins de l'eau du Pré Curieux et le parc Dolfuss. Cachée derrière un rideau d'arbres, elle s'élève dans un parc de deux hectares — ancienne sapinière — et dispose d'un embarcadère sur le lac. Conçue dans le style quattrocento florentin, la villa a été élevée par l'architecte Jean-Camille Formigé pour Joseph Vitta entre 1892 et 1896, sur un terrain acquis par Jonas Vitta en 1890 ; Jonas mourut avant l'achèvement des plans et sa veuve Hélène confia la conduite des travaux à leur fils Joseph. Pour la décoration intérieure, Joseph Vitta fit appel à de nombreux artistes de l'époque : sculpteurs tels qu'Auguste Rodin, Alexandre Falguière, Georges Gardet et Alexandre Charpentier, ainsi que peintres et graveurs comme Albert Besnard, Jules Chéret et Félix Bracquemond, ce dernier jouant un rôle important dans le chantier. Rodin réalisa notamment des dessus de porte en pierre de l'Estaillade aux motifs des Quatre Saisons et quatre œuvres présentes dans le vestibule d'entrée : deux jardinières sculptées et deux tympans en relief. Le vestibule s'ouvre sur une vaste cage d'escalier surmontée d'une verrière décorée ; les piliers sculptés de l'escalier portent deux bronzes de Georges Gardet. La décoration intérieure se distingue par sa qualité et son caractère novateur : la salle de billard montre des tendances Art nouveau et néo-versaillaises, la salle à manger relève du mouvement Arts and Crafts, et l'une des salles présente un décor néo-Renaissance, ce qui donne à l'ensemble un programme hétéroclite. Invisible de la route, la villa reste un témoin de la Belle Époque et de la prospérité de la ville d'eau. À la mort de leur mère en 1901, la propriété revient à Fanny Vitta, sœur de Joseph, qui installe un atelier de sculpture dans la villa ; elle s'y maria avec l'explorateur Édouard Foà le 18 septembre 1899, veuf deux ans plus tard. Pendant la Première Guerre mondiale, Fanny dirige l'Œuvre du pain savoyard, et durant la Seconde Guerre mondiale elle fonde l'Œuvre d'entr'aide aux familles de mobilisés du canton d'Évian, devenue L'entraide aux prisonniers et déportés ; elle présida également le comité local de la Croix-Rouge et créa un Foyer du Soldat. Son fils Jean Foa, aviateur pendant la Seconde Guerre mondiale, fut gravement blessé lors de la bataille de Monte Cassino et mourut en 1946 ; en 1947 Fanny Vitta fit don de La Sapinière à l'Association pour l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (LADAPT) afin d'y créer un centre pour aviateurs blessés. La propriété est aujourd'hui la fondation Jean‑Foa, un centre de réadaptation professionnelle de 60 places géré par LADAPT. L'édifice a été inscrit au titre des monuments historiques par arrêté du 18 février 1987 ; si le mobilier a été dispersé, le vestibule, la cage d'escalier, la salle de billard et la salle à manger ont été conservés intacts. Ces salles ont été présentées au public lors de l'exposition "Joseph Vitta : passion de collection" au Palais Lumière d'Évian du 15 février au 1er juin 2014, et la villa ouvre encore parfois ses portes à l'occasion des Journées européennes du patrimoine. Parmi ses éléments remarquables figurent des sculptures d'Alexandre Falguière sur la façade ouest, un clocheton qui surplombe le toit-terrasse, une jardinière sculptée par Rodin, la cage d'escalier avec sa verrière décorée et une salle de billard décrite comme en partie Art déco. La villa a également servi de lieu de tournage : des scènes du film Django ont été filmées en mai 2016 et, en juillet 2023, un reportage de l'émission Des racines et des ailes y a mis en valeur plusieurs sites d'Évian, dont La Sapinière.
