Origine et histoire
La villa Majorelle, maison de maître à Nancy liée à l’École de Nancy, est un édifice majeur de l’Art nouveau français, anciennement propriété de Louis Majorelle. Commandée en 1898, elle a été conçue par l’architecte parisien Henri Sauvage et réalisée sur le chantier par Lucien Weissenburger, l’entreprise France-Lanord et Bichaton assurant le gros œuvre et le plancher en béton armé selon le procédé Hennebique. Louis Majorelle a participé à l’élaboration du projet et a réalisé une grande part des décors intérieurs, de la ferronnerie, de l’escalier et du mobilier. Les verrières ont été exécutées par Jacques Gruber, la céramique et notamment la cheminée et la balustrade par Alexandre Bigot, et des peintures décoratives sont attribuées à Victor Prouvé, Francis Jourdain et Henri Royer. La construction présente des pierres de Savonnières et d’Euville posées sans sélection chromatique, des joints parfois creux et des exécutions rapides qui ont entraîné, notamment au niveau de la toiture nord, des problèmes d’infiltration. L’édifice répondait à deux fonctions : atelier et lieu d’exposition des productions de Majorelle, installé au dernier étage sous les combles, et résidence privée dont les pièces de réception servaient aussi de vitrine commerciale. L’architecture, répartie sur trois étages, privilégie la lumière, l’asymétrie et les motifs végétaux ; elle comporte une grande baie arquée ouvrant sur l’atelier, un balcon belvédère et des volumes clairement articulés selon la relation forme/fonction. Des poutrelles métalliques profilées soutiennent des éléments de balcon, la ferronnerie décorative ornant portes, grilles et descentes d’eau reprend des motifs végétaux et se prolonge jusque sur la marquise de verre au-dessus de l’entrée. Les façades sont enrichies de décors en grès émaillé soulignant les ouvertures et formant des frises colorées. Pendant la Première Guerre mondiale la villa a été partiellement détruite par un bombardement en 1916 ; une fenêtre fut obturée et un vitrail de la cheminée fut remplacé par un nouveau panneau aux motifs orientalistes. Vers 1930 le parc a été loti et des modifications ont été apportées au mur de clôture et au portail, tandis qu’en 1931 la famille vendait la villa au ministère des Ponts et Chaussées qui l’adapta en bureaux, modifiant certaines ouvertures et ajoutant un oriel et un blockhaus. Le mobilier de la villa a été dispersé : des pièces de la chambre ont été conservées puis rachetées pour le musée de l’École de Nancy, et d’autres éléments ont été acquis ou reconstitués par le musée afin de restituer l’ameublement historique. La ville de Nancy a acquis la villa en 2003 ; le musée de l’École de Nancy a également acquis un album photographique familial (1905‑1911) essentiel pour les travaux de restitution, car de nombreuses archives de construction ont été perdues. Des interventions ponctuelles ont eu lieu en 1999 et en 2013, puis des travaux de grande ampleur ont été menés entre 2016 et 2017 pour la rénovation extérieure et en 2018‑2019 pour la restauration intérieure, avec l’Atelier Grégoire André et plusieurs entreprises spécialisées. Ces travaux ont visé à retrouver l’aspect d’origine autant que possible — restitution des couvertures d’ardoise, réfection des grès émaillés, réinstallation des mitres de cheminée, rénovation des ferronneries, des parquets, des mosaïques, des peintures au pochoir et des vitraux — tout en assurant la pérennité par la mise aux normes des installations techniques. La restauration a conduit à la destruction du bow-window pour restituer la terrasse telle qu’elle existait à la mort de Louis Majorelle et a permis la réouverture au public en février 2020, des travaux complémentaires (salle de bains, penderie et autres espaces) étant encore prévus. L’intérieur conserve de nombreux décors réalisés par les Ateliers Majorelle et présente une part importante du mobilier d’origine ou de copies fidèles, sélectionnées parmi les collections du musée de l’École de Nancy et complétées par des acquisitions et des dons. La chambre à coucher illustre le goût privé de Majorelle, avec des bois clairs, des incrustations de nacre et de cuivre et des motifs inspirés de la nature tels que des ailes de libellule et des ocelles de paon ; les meubles de chambre demeurent des pièces uniques non destinées à la commercialisation. La villa, dont les dimensions sont indiquées comme 17,40 m de profondeur sur 24,50 m de largeur, a été reconnue au titre des monuments historiques, d’abord inscrite en 1975 puis classée en 1996, et a reçu en 2011 le label « Maison des illustres ». Elle demeure un exemple notable d’unité de l’art et d’intégration entre architecture, décoration et mobilier portée par l’École de Nancy.