Origine et histoire de la Villa romaine
La villa gallo-romaine de Chiragan se situe sur la commune de Martres-Tolosane, en bordure de la Garonne, et ses vestiges sont aujourd'hui recouverts d'une épaisse couche de terre arable. Monument remarquable par ses dimensions et sa structure, le site a livré dès le XVIIe siècle et surtout au XIXe siècle un ensemble exceptionnel de sculptures, dont de nombreux portraits désormais conservés au musée Saint-Raymond de Toulouse. Les fouilles menées par Alexandre Du Mège à partir de 1826 ont mis au jour un grand nombre d'éléments sculptés, de mosaïques, d'hypocaustes et de traces de peintures, et beaucoup de pièces furent transférées au musée de Toulouse. Des campagnes ultérieures menées par la Société archéologique du Midi, par Albert Lebègue et par A. Ferré ont complété les découvertes, avant les fouilles d'envergure conduites par Léon Joulin à la fin du XIXe siècle, dont le plan et la synthèse publiés en 1901 restent une référence. Inscrites au titre des monuments historiques en 1998, les parcelles ont fait l'objet de sondages géophysiques en 2000, 2001 et 2003 qui ont en grande partie confirmé le plan majeur proposé par Joulin. Occupée entre le Ier et le IVe siècle, la villa s'étendait sur un enclos vaste, avec une emprise établie par les recherches récentes à environ 18 000 m² et une enceinte de quelque 16 hectares évoquée par les fouilleurs anciens ; l'implantation comprenait des installations résidentielles et agricoles ainsi qu'un quai et une jetée signalés au XIXe siècle. Le complexe comptait une pars urbana richement aménagée, plusieurs dizaines de pièces et un vaste rez-de‑chaussée comprenant plus de 200 chambres, parcs et portiques prestigieux, ainsi qu'une pars rustica organisée en trois lignes de bâtiments destinés à l'élevage, au stockage et à l'artisanat. Les fouilleurs ont reconnu sur le domaine des logements pour les employés, des ateliers, des fabriques et des abris pour animaux, formant un petit village lié à l'exploitation du domaine, qui aurait pu couvrir plus de 1 000 hectares et accueillir environ 400 personnes. Malgré la qualité et la quantité du mobilier découvert, les vestiges architecturaux conservés sont aujourd'hui peu apparents, en partie en raison des pillages et de l'utilisation du site comme carrière, puis des destructions liées à l'agriculture intensive au XIXe siècle. Les centaines de sculptures exhumées comprennent environ 300 statues, des reliefs, des éléments décoratifs en marbre et une galerie de portraits d'empereurs et d'autres personnages couvrant du Ier au IVe siècle ; de nombreuses sculptures présentent des mutilations, parfois interprétées comme le résultat de destructions volontaires ou des dommages liés aux travaux agricoles. La galerie des empereurs réunissait des bustes allant d'Antonin le Pieux, Marc Aurèle, Septime Sévère et Trajan à Caracalla et Maximien Hercule, ainsi que de nombreux sujets anonymes ; plusieurs pièces portent des restaurations ou des altérations notables. Parmi les ensembles les plus remarquables figurent des clipei, ou boucliers décoratifs en haut‑relief, dont six exemplaires bien conservés représentent Vulcain, Cybèle, Minerve casquée, Hygie, Attis et Esculape, ainsi que d'autres fragments attribués à Vénus ou Diane. Les reliefs représentant les travaux d'Hercule forment un ensemble unique, de taille approximative 1,44 m sur 0,88 m pour chaque panneau, exécuté en marbre et étudié notamment par Daniel Cazes ; on y reconnaît des scènes comme le nettoyage des écuries d'Augias, la chasse des oiseaux du lac Stymphale, l'affrontement de l'Hydre de Lerne, la capture de Géryon et d'autres épisodes mythologiques. Les sculptures sont réalisées en majorité dans des marbres pyrénéens, probablement de Saint‑Béat pour certains éléments, tandis que d'autres œuvres proviennent de carrières de Carrare ou de marbres d'origine grecque. Des copies romaines de statues grecques, souvent de bonne qualité, complètent l'iconographie du site, avec des représentations de Bacchus, d'Hercule, d'Athéna, d'Eros et de Vénus, parmi d'autres thèmes mythologiques et religieux. D'autres reliefs et éléments décoratifs retrouvés associent des scènes de Sérapis‑Pluton et Cerbère, l'enlèvement de Proserpine, des faunes, ainsi qu'une série de masques de théâtre et de masques bacchiques. La question de l'origine et de l'attribution des sculptures a fait l'objet de débats : certaines attributions anciennes sont discutées et plusieurs pièces restent non étudiées dans les réserves du musée Saint‑Raymond. Les études récentes se penchent aussi sur la polychromie des sculptures ; le projet POLYCHROMA lancé par Elisabetta Neri étudie depuis 2020 des traces de pigments sur des œuvres de Chiragan conservées dans différents musées, notamment les reliefs d'Hercule et certains portraits. L'identité du propriétaire de la villa reste incertaine : les hypothèses avancées vont d'un domaine impérial administré par des procurateurs à la résidence d'un collectionneur ou d'un haut magistrat, et certains chercheurs ont proposé l'hypothèse d'une propriété liée à Maximien Hercule. Les copies de certaines œuvres découvertes à Chiragan sont exposées au musée archéologique de Martres‑Tolosane, installé dans un donjon médiéval de la commune, tandis que les originaux majeurs sont conservés au musée Saint‑Raymond de Toulouse.