Origine et histoire de la Villa Savoye
La Villa Savoye, dite "Les Heures Claires", est une maison de week‑end construite entre 1928 et 1931 à Poissy (82, rue de Villiers) par Le Corbusier et Pierre Jeanneret pour la famille Savoye. Édifiée en béton armé sur un terrain d'environ sept hectares dominant la vallée de la Seine, elle illustre de manière manifeste les "cinq points" de l'architecture moderne théorisés par Le Corbusier : pilotis, toit‑terrasse, plan libre, façade libre et fenêtre en bandeau. Le bâtiment, un parallélépipède blanc posé sur de fins pilotis et percé de longues baies, comporte un garage conçu pour trois automobiles dont la courbe d'accès s'imprime sur le plan du rez‑de‑chaussée. Conçue comme une "machine à habiter", la villa libère le rez‑de‑chaussée pour les services et le garage tandis que le premier étage, accessible par une rampe et un escalier en colimaçon, constitue l'espace de vie principal ouvrant sur une large terrasse et un solarium. Les pièces de l'étage s'articulent autour de cette terrasse : grand séjour, cuisine fonctionnelle avec plans de travail intégrés et accès à un patio, puis chambres et petit salon donnant sur l'extérieur ; les rangements sont intégrés aux pièces selon le principe du plan libre. Deux caves, demandées par Madame Savoye, restent invisibles sur les plans et photographies, la partie enterrée ayant été tenue à l'écart des représentations par l'architecte. La parcelle comporte en outre une loge de jardinier conçue sur les mêmes principes, d'environ 33 m² avec deux chambres exigues de 5 m² chacune et une seule façade percée d'une fenêtre longitudinale. Dès les premières années d'usage apparaissent des problèmes d'étanchéité, d'humidité, de chauffage et d'isolation phonique qui rendent rapidement la villa difficile à habiter ; en 1937 Madame Savoye la qualifie d'inhabitable et met l'architecte en demeure. Réquisitionnée pendant la Seconde Guerre mondiale par les Allemands puis occupée par les Alliés, la maison subit ensuite divers usages de stockage et, gravement dégradée, est menacée de démolition en 1956. En 1958 la ville de Poissy exproprie une partie du parc, amputant la propriété de six hectares pour la construction d'un lycée, puis cède la villa à l'État en 1962. Sous l'impulsion du ministère de la Culture, la procédure de protection aboutit au classement au titre des monuments historiques et des restaurations sont engagées à partir de 1963, avec des campagnes successives dans les décennies suivantes et la restauration des peintures intérieures menée en 1996‑1997 ; le jardin jouxtant la villa a également été restitué. Saluée comme un manifeste de la modernité et achevant la série des "villas blanches" de Le Corbusier, la Villa Savoye a toutefois suscité des critiques quant à la portée pratique de ses principes, notamment concernant le rôle structural réel des pilotis et les difficultés d'étanchéité liées aux toits‑terrasses. Considérée comme une œuvre emblématique du XXe siècle, elle a été inscrite, avec seize autres réalisations de Le Corbusier, sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO en juillet 2016. Malgré les travaux, certains observateurs jugent que la villa conserve un état médiocre et qu'elle joue aujourd'hui une fonction principalement idéologique, servant à promouvoir la théorie corbuséenne. Un projet de musée de 7 500 m², dont l'architecte sera choisi par concours, doit être réalisé près de la villa ; il comprendra des espaces d'exposition, un auditorium, une médiathèque et un centre de ressources, des ateliers d'éducation artistique pour enfants, ainsi que des services (cafétéria, restaurant, boutique, librairie) et un souterrain la reliant à la Maison Savoye, avec une ouverture prévue pour 2027.