Origine et histoire
La villa Tempe a païa (ou Tempe a pailla), située au 187, route de Castellar à Menton, est un exemple de l’architecture moderniste des années 1930 conçue par la décoratrice et architecte Eileen Gray. Dessinée au début des années 1930, elle est la seconde des deux villas réalisées par Gray et fut pensée comme un lieu de repos, son nom provenant d’une expression populaire mentonnaise parfois traduite « le temps de bailler ». Eileen Gray conçoit à la fois l’enveloppe architecturale et le mobilier intégré, caractérisé par des éléments escamotables, extensibles et modulables ; une partie de ce mobilier est encore en place. Parallèlement à son travail sur la villa E-1027 avec Jean Badovici, Gray acquiert en avril 1926 un terrain sur les hauteurs de Menton, puis une parcelle plantée de citronniers et, en 1932, un petit vignoble voisin afin de préserver la vue sur la mer. Elle transforme d’abord un cabanon peint en blanc, le « Bateau blanc », avant de le démolir pour édifier la nouvelle maison destinée à la réflexion et au travail plutôt qu’à la détente. Trois citernes présentes sur le terrain sont réutilisées pour surélever la construction : l’une devient garage, une autre cellier accessible depuis la salle à manger et la troisième conserve sa fonction d’origine. Le chantier, mené par l’entrepreneur local Savoiardo, donne lieu à un premier permis en 1930, un permis définitif demandé en 1934 ; la maison est achevée en 1935 et son aménagement se poursuit jusqu’en 1939. La villa se compose principalement d’un niveau surélevé abritant un living-room prolongé par une terrasse, une salle à manger, deux chambres séparées par un petit vestibule, une salle de bains et une cuisine ; on entre dans la maison depuis le jardin par un escalier extérieur et la terrasse, et une chambre supplémentaire se trouve en rez-de-route. Le mobilier, conçu par Eileen Gray et en grande partie réalisé localement par le menuisier Charles Roattino, privilégie la fonctionnalité et l’intégration à l’architecture ; certains éléments intérieurs sont mobiles et issus de l’industrie. Un dispositif remarquable, une ouverture circulaire dans le plafond d’une chambre commandée mécaniquement depuis le lit, permet de régler l’intensité lumineuse. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Gray doit quitter la villa pour Saint-Tropez ou Paris ; elle la retrouve pillée en 1944 et entreprend ensuite sa restauration, ajoutant notamment des terrasses, remplaçant volets et porte de garage et concevant un nouveau mobilier pour remplacer les pièces disparues, travaux qui s’achèvent en 1953. La villa est vendue en 1954 au peintre britannique Graham Sutherland, qui fait construire un grand atelier sur l’emplacement de l’ancien jardin. Inscrite au titre des monuments historiques par arrêté du 22 janvier 1990 sous le nom Tempe a pailla, la villa a également fait l’objet d’une vidéo réalisée à l’occasion de l’exposition consacrée à Eileen Gray au Centre Pompidou en 2013.