Origine et histoire
Le château de Valognes, aujourd'hui disparu, se dressait au centre de la commune, enfoui sous la place centrale dite du Château. Il s'agit d'un ancien château fort construit au XIVe siècle en remplacement d'une résidence ducale du XIe siècle fréquemment occupée par la cour ducale. Aux XIe et XIIe siècles, le manoir ducal comportait la grande salle seigneuriale (aula), la chapelle (capella) et des appartements privés (camerae). Le jeune duc de Normandie Guillaume y trouva refuge de 1035 à 1040 et y séjourna encore en 1050, époque à laquelle il envoya Samson d'Anneville chasser les pirates de Guernesey. En 1203, Jean sans Terre séjourna à Valognes avec son épouse Isabelle d'Angoulême, le roi parcourant alors le Cotentin avant de traverser la Manche. Pendant la guerre de Cent Ans, Édouard III y coucha le 18 juillet 1346. Au début du conflit, Charles le Mauvais obtint la place par le traité de Valognes (1355) et agrandit et fortifia le manoir ducal. En 1364 Bertrand du Guesclin assiège et prend le château; Louis de Navarre le récupère, puis Du Guesclin reprend la ville en 1378. Lors des affrontements, la garnison de Bricquebec s'empara dans la basse-cour de Valognes des chevaux des hérauts d'Édouard III. La place fut de nouveau occupée par les Anglais de 1418 à 1449; après la bataille de Formigny et la campagne de reconquête, le capitaine Thomas de Siseval se rendit. Après la guerre de Cent Ans, la ville fut donnée en dot à Jeanne de Valois lors de son mariage en 1466 avec l'amiral Louis de Bourbon-Roussillon et le château fut renforcé et remis au goût du jour. Au milieu du XVIe siècle, le château servait de résidence au gouverneur Hurtebye, qui entretenait des relations avec Gilles de Gouberville. Lors de la première guerre de Religion, le 15 juin 1562, les protestants conduits par Henri‑Robert aux Épaules et le capitaine François Leclerc, avec 70 cavaliers et 2 500 fantassins levés à Carentan, tentèrent sans succès de s'emparer de la place où s'était retiré le capitaine catholique Louis Dursus sur l'ordre de Jacques de Matignon. Gabriel Ier de Montgommery entreprit un siège le 24 mars 1574 avec de lourdes pièces d'artillerie prises à Tatihou; le siège dura seize jours puis fut levé et les assaillants se replièrent en abandonnant un canon. En 1590 le château avait pour commandant Guillaume de Pierrepont; en 1595 fut donné l'ordre de démolir, puis Henri‑Robert Gigault de Bellefonds le répara à ses frais en 1620. Le 23 mars 1649, pendant la Fronde, François Goyon de Matignon commença le siège du château; Bernardin Gigault de Bellefonds, âgé de dix‑neuf ans, s'y enferma avec une poignée de soldats et capitula honorablement après quinze jours face à un effectif d'environ 6 000 hommes. Peu après, les troupes royales sous le commandement de Callières assiégèrent à leur tour la place occupée par des séditieux. Sur l'ordre de Louvois, le démantèlement fut décidé en 1688; en 1771 les ruines furent détruites et les fossés comblés pour aménager une grande place. Les vestiges décrits aux XIe–XIIe siècles comprenaient la grande salle, des appartements et une chapelle; la place possédait un donjon rond de la fin du XIIe–XIIIe siècle et une tour maîtresse oblongue dotée d'un puits intérieur et d'un escalier en vis logé dans une tour semi hors‑œuvre. Au milieu du XIVe siècle, Charles le Mauvais fit édifier une nouvelle tour carrée; le château fut régulièrement réparé jusqu'à sa démolition partielle à la fin du XVIIe siècle, qui épargna le logis du gouverneur et la chapelle dédiée à la Sainte‑Vierge. Au XIXe siècle, il ne subsistait plus rien de la forteresse; seul un plan dit « de Gerville » levé en 1688 est conservé. Depuis 2011, les sondages archéologiques ont confirmé la destruction massive des fortifications et l'arasement presque total des bâtiments; ils ont mis au jour de grands pans de murs tombés dans les fossés, des ouvertures, portes, fenêtres et fentes de tir. En 2011 fut dégagé un bâtiment semi‑enterré à contreforts plats, adossé à la courtine ouest, dont le plan, la technique de construction et le mobilier le rattachent à la période romane: il semble avoir été occupé en cuisine en fin d'usage avant d'être démoli au XIVe siècle et pourrait correspondre à l'aula mentionnée au XIIe siècle. En 2019, l'accès principal en direction de la ville a été dégagé; il était composé de deux portes séparées par un vestibule de 5,60 m, avec un mur ouest épais de 1,20 à 1,30 m laissant supposer des étages, et une pièce encavée retrouvée sous cet accès; l'angle sud‑ouest du donjon a également été mis au jour. Parmi les restitutions possibles, on envisage à la sortie de la porte un pont‑levis franchissant les fausses braies et une passerelle reliant le château à la ville. Au titre des monuments historiques, une tourelle, avant sa destruction complète en juin 1944, avait fait l'objet d'une inscription partielle par arrêté du 13 mai 1937. Parmi les gouverneurs ou capitaines connus figurent plusieurs membres de la famille de La Haye Sotteville, notamment Guillaume de La Haye (1363‑1378), Jean de La Haye‑dit‑Picquet (vers 1400), Hurtebye (vers 1562) et Louis Dursus, Nicolas de Sainte‑Marie (v.1520‑1591), Guillaume de Pierrepont (vers 1590) et Bernardin Gigault de Bellefonds (vers 1649).