Origine et histoire
La chartreuse du Reposoir, fondation cartusienne du milieu du XIIe siècle, est située sur la commune éponyme en Haute-Savoie, dans la vallée du Foron du Reposoir, au fond d’un cirque boisé au bord d’un petit lac, dominée par les chaînes du Reposoir et du Bargy. Fondée par donation d’Aymon Ier de Faucigny, l’acte de fondation est daté du 22 janvier 1151 et signé en présence de l’évêque de Genève Arducius de Faucigny et de Jean d’Espagne, qui donna son nom au lieu en s’écriant, selon la tradition, « Hic est repausatorium meum ». La chartreuse occupa en continu le site jusqu’à la Révolution française ; après des vicissitudes de propriété au tournant du XIXe siècle, les Chartreux revinrent au Reposoir en 1846 puis furent à nouveau expulsés en 1901. L’ensemble fut vendu en 1905, transformé en hôtel en 1907, partiellement classé monuments historiques en 1910 (entrée et portail), racheté par l’abbé Duparc en 1922, et accueille depuis 1932 une communauté de Carmélites sous le nom de monastère du Carmel du Reposoir ; l’ensemble des bâtiments a été classé en 1995.
Les donations d’Aymon de Faucigny comprenaient l’ensemble de la vallée du Béol, des sommes d’argent, des vignes — notamment celles de la Crête — ainsi que des terres et des alpages sur les territoires actuels de Scionzier, Saint‑Hippolyte, Magland et sur le versant genevois (Grand‑Bornand, Thônes, Veyrier) ; d’autres confirmations et dons furent apportés par les héritiers et seigneurs de Faucigny aux XIIe et XIIIe siècles. La chartreuse posséda aussi, en 1316, la montagne de Chérente par donation d’Hugues de Faucigny.
Jean d’Espagne, entré dans l’ordre jeune, réinvestit le site et y mourut le 11 juin 1160 ; ses restes furent exhumés en 1649, déposés en châsse, et il fut béatifié le 14 juillet 1864. Le monastère, soumis aux rigueurs du climat montagnard et aux crues des Foron, fit l’objet d’une restauration en 1671 et subit un incendie en 1705 ; il connut des campagnes de restauration au XIXe siècle, notamment en 1846 puis à partir de 1863.
L’architecture du site conserve la disposition monastique : un plan en carré orienté d’ouest en est réunit l’ancien monastère et la correrie. Le grand cloître, qui faisait le tour des cellules des Pères chartreux, permettait à chaque moine d’accéder à sa maison individuelle ; chaque cellule ouvrait sur un petit jardin carré et comportait un guichet pour les vivres, une literie simple et un oratoire. Le petit cloître, daté du XVIe siècle et restauré en 1929, présente quatre galeries autour d’une cour, des arcades en cintre brisé subdivisées en réseaux flamboyants et seize clefs de voûte polychromes où figurent les armes de la maison de Savoie ; son caractère gothique tardif se traduit par des piliers massifs, un décor contenu et des voûtes sur croisées d’ogives. L’église, de style ogival, conserve le tracé originel et abrite sur sa paroi nord la chapelle du Bienheureux Jean d’Espagne (aujourd’hui sacristie intérieure) et la chapelle Saint‑Antoine (sacristie extérieure pour les prêtres).
La documentation historique comprend notamment le catalogue des prieurs publié par l’abbé Jean Falconnet, qui recense les titulaires de la fin du XIIe siècle à la Révolution, ainsi que plusieurs études et guides consacrés à la chartreuse et au monachisme régional. Aujourd’hui le site, classé et toujours occupé par une communauté religieuse cloîtrée, reste un témoignage important de l’architecture et de la vie chartreuse en Haute‑Savoie.