Origine et histoire de l'Écluse quadruple
Le canal du Midi, initialement appelé canal royal de Languedoc, est le grand ouvrage conçu par Pierre-Paul Riquet pour relier Toulouse à la mer Méditerranée et ainsi faciliter la communication entre Atlantique et Méditerranée. Riquet fit connaître son projet à Colbert en 1662 et les travaux commencèrent en 1667 par la section entre Toulouse et Naurouze ; la première mise en eau jusqu'à Castelnaudary permit la navigation dès 1672 et le canal fut considéré comme définitivement achevé à la fin de 1682. Le principal défi technique consistait à alimenter en eau le seuil de Naurouze, bief de partage du canal, et Riquet y répondit en captant les eaux de la montagne Noire par un réseau de rigoles et de réservoirs dont le lac de Saint-Ferréol, le bassin de Naurouze et les retenues du Lampy. La construction du barrage-réservoir de Saint-Ferréol fut une innovation notable pour l’époque et la rigole de la plaine servit d’essai concluant pour prouver la faisabilité de l’alimentation en eau. Louis XIV autorisa le chantier par édit en octobre 1666, confiant à Riquet la propriété et l’exploitation du canal sous forme de fief et lui accordant des droits d’expropriation, ainsi que la possibilité d’édifier moulins, entrepôts et logements. Le financement, très supérieur au budget initial, fut assuré par des participations publiques et privées : l’État, la province et Riquet contribuèrent aux coûts, ce dernier complétant ses fonds par des prêts et ses descendants continuèrent à participer aux charges pendant plusieurs décennies. Pierre-Paul Riquet dirigea un chantier important, organisé en ateliers et sections, employant jusqu’à 12 000 ouvriers et adoptant des pratiques sociales et salariales relativement favorables pour l’époque ; il mourut en octobre 1680 avant la fin des travaux. Après l’achèvement des principaux ouvrages, une inspection royale eut lieu en 1681 et le canal fut ouvert officiellement à la navigation, puis remis définitivement en service au terme des travaux. Rapidement apparurent toutefois des problèmes d’alimentation et d’ensablement liés aux apports torrentiels : Vauban procéda à des améliorations à partir de 1686, renforçant le barrage de Saint-Ferréol, prolongeant les rigoles et construisant de nombreux ouvrages maçonnés, aqueducs et ponts-canaux pour mieux gérer les eaux. Le tracé et certaines techniques restèrent le fruit d’un travail empirique et d’adaptations sur le terrain, Riquet s’appuyant sur des collaborateurs et des experts en hydraulique et cartographie. À long terme, le canal transforma les circulations et les échanges dans le Midi, favorisa le commerce régional du blé et du vin, et développa une batellerie spécifique adaptée au gabarit de l’ouvrage. Au XIXe siècle, des liaisons complémentaires et des aménagements hydrauliques complétèrent le réseau fluvial et, en 1856, le canal latéral à la Garonne prolongea la liaison vers l’Atlantique, formant l’ensemble dit « canal des Deux-Mers ». La concurrence du chemin de fer puis de la route a progressivement réduit le trafic marchand, et la navigation commerciale s’est largement éteinte à la fin du XXe siècle ; le canal est aujourd’hui principalement consacré au tourisme fluvial et aux loisirs. Le domaine public du canal et son régime juridique présentent une spécificité historique codifiée, l’État devenant propriétaire par la loi de 1897 et déléguant la gestion aux Voies navigables de France, organisme qui en assure aujourd’hui l’entretien. Classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1996, le canal et son système d’alimentation font l’objet d’un plan de gestion et d’une gouvernance partenariale impliquant l’État, VNF et les collectivités territoriales. Le parcours comprend un grand nombre d’ouvrages d’art — ponts, aqueducs, ponts-canaux et écluses — et, pour la partie du canal du Midi, on recense plusieurs centaines d’ouvrages dont soixante-trois écluses en service sur le tracé principal ; ces réalisations témoignent de la valeur architecturale et technique du site. Enfin, le canal joue encore un rôle hydraulique important : il sert de réservoir pour l’irrigation et pour l’alimentation en eau potable d’une partie du territoire, et son équilibre nécessite une gestion continue des prises, des réservoirs et des opérations de curage et d’entretien.