Origine et histoire du Château d'Arques-la-Bataille
Les ruines du château d'Arques-la-Bataille, ancien château fort de la première moitié du XIIe siècle, se dressent sur la commune d'Arques-la-Bataille en Seine‑Maritime, en Normandie. Édifié sur une ancienne motte castrale, il occupe un éperon crayeux dominant la confluence des vallées de la Varenne, de la Béthune et de l'Eaulne, qui forment l'Arques à six kilomètres de la Manche. Un étroit vallon l'isole du plateau cauchois à l'ouest et permettait aux guetteurs de surveiller la vallée jusqu'à la mer.
L'histoire du site est particulièrement mouvementée : dès 944 le comte de Flandre Arnoul Ier mit en fuite la garde de la forteresse. Vers 1040 le duc de Normandie donna la terre à son oncle Guillaume d'Arques, qui fit édifier une motte castrale en bois et terre. En 1052–1053 le duc fit le siège de la place tenue par son oncle ; conduite par Gautier Giffard, l'opération aboutit à la capitulation des défenseurs en 1053 après une année de résistance et à l'exil de Guillaume d'Arques. En 1123 Henri Ier Beauclerc reconstruisit le château en pierre, élevant un donjon roman et une large courtine flanquée d'une douzaine de tours en remplacement de l'enceinte de bois. Un second siège intervint en 1145, au cours duquel Geoffroy Plantagenêt s'empara de la place.
Plus tard, Philippe Auguste reçut Arques et en confia la garde à Jean sans Terre, mais Richard Cœur de Lion assiégea et reprit la place en 1195. En 1204 Arques fut la dernière forteresse normande à déposer les armes devant Philippe Auguste ; de 1205 à 1211 on approfondit les fossés, renforça les enceintes et entreprit diverses réparations. Pendant la guerre de Cent Ans le château, théâtre de nombreux affrontements, resta difficile à prendre ; les Anglais n'y établirent une présence qu'après la cession de la Normandie par le traité de Troyes en 1420. À cette date la garnison comprenait quatre hommes d'armes, deux cavaliers, deux piétons et vingt-six archers ; huit ans plus tard les archers n'étaient plus que douze, puis en 1429 la garnison fut portée à vingt-six hommes d'armes et soixante archers face à la menace française.
Jeanne d'Arc séjourna au château en 1431 avant d'être jugée à Rouen, et la citadelle fut reprise par Charles VII en 1449. En 1472, lors du conflit avec Louis XI, Charles le Téméraire incendia la ville d'Arques et assiégea le château, qui résista. Des transformations destinées à recevoir l'artillerie eurent lieu sous François Ier et le château participa aux guerres de Religion ; en 1562 le duc de Bouillon s'y réfugia après avoir été chassé de Dieppe. Le 21 septembre 1589 une bataille décisive s'y déroula : Henri IV, avec 7 000 hommes, affronta les troupes de la Ligue commandées par le duc de Mayenne et tint la place malgré l'infériorité numérique ; après une accalmie due au brouillard, l'éclaircissement permit à l'artillerie de rentrer en action, infligea de lourdes pertes aux assaillants et provoqua leur retraite désordonnée vers Dieppe.
L'entretien du château déclina ensuite : les réparations cessèrent en 1668 et il fut abandonné militairement en 1688 ; Louis XIV le déclara « impropre au service » en 1708. La forteresse fut progressivement démantelée et utilisée comme carrière de pierres : des extractions eurent lieu dès 1753 et le site fut transformé en carrière en 1771. Vendu comme bien national en 1793 à Louis Jean Félix Reine, il fut préservé et rendu accessible au public contre droit d'entrée. Face au risque de destruction totale en 1836, Achille Deville et M. et Mme Reiset mobilisèrent des efforts de sauvegarde ; en 1860 quelques pièces furent aménagées en musée, l'État acquit le site pour 60 000 francs‑or et le fit classer au titre des monuments historiques en 1875. Un petit musée et des visites guidées eurent lieu jusqu'en 1939 ; lors de la Seconde Guerre mondiale les troupes allemandes occupèrent le site et installèrent des pièces de défense antiaérienne, endommageant les ruines à leur départ. Des visites commentées furent organisées jusqu'à la fin des années 1970, puis le site fut fermé au public en raison du risque de chutes de pierres ; aujourd'hui on peut faire le tour de l'enceinte sur le chemin longeant la contrescarpe et visiter l'intérieur lors des Journées du patrimoine en septembre.
Architecturalement, le château, construit au XIIe siècle selon un plan allongé suivant l'éperon, est ceint d'une longue courtine oblongue appareillée en arête-de-poisson et flanquée irrégulièrement d'une douzaine de tours rondes ou carrées. Il est entouré d'un fossé sec profond de 15 à 20 mètres creusé au XVIe siècle, qui enferme dans la basse-cour des constructions ajoutées entre les XIIe et XVIe siècles. Jusqu'à la fin du XIVe siècle l'entrée principale, accessible aux chevaux et charrois, se faisait par la porte de Dieppe au nord‑ouest munie d'un pont‑levis ; à cette extrémité se dresse un bastion d'artillerie aux murs très épais, renforcé de quatre grosses tours au parement de brique, construit au début du XVIe siècle en avance sur l'entrée du XIIe siècle pour battre le plateau voisin distant d'environ 200 mètres. La porte d'origine du XIIe siècle, formée d'une triple arcade, est ornée d'un bas‑relief représentant Henri IV à cheval, inauguré en 1845.
À l'extrémité sud‑est s'élève un donjon roman de plan carré et de quatre étages, épaulé par de puissants contreforts, édifié vers 1123 par Henri Beauclerc en remplacement du donjon de bois construit vers 1040–1045 par Guillaume d'Arques. Le donjon forme un carré de 20,20 mètres de côté ; ses contreforts nord et est mesurent 3 × 3 mètres, et les murs ont des épaisseurs de 2,20 mètres au sud, 3 mètres au nord et 3,50 mètres à l'est. Un mur de refend de 1,20 mètre divise l'intérieur en deux salles nord‑sud longues de 15 mètres et larges respectivement de 6,30 et 6,90 mètres. L'accès se faisait par le mur ouest, où s'ouvrait un escalier à angle droit de 1 mètre de large logé dans l'épaisseur du mur ; le donjon abritait un four à pain, un puits, un moulin, des celliers, des appartements et des corps de garde, et ses étages possédaient des accès distincts pour limiter la prise rapide de l'ensemble. Une plate‑forme ajoutée à la fin du XVe siècle permit l'emploi de l'artillerie, et une nouvelle porte avec second pont‑levis fut construite en 1367 par Charles V pour accéder plus directement à l'enceinte proche du donjon ; au fond du fossé subsiste une pile destinée à recevoir le tablier de bois du pont‑levis.
Les ruines du château sont classées au titre des monuments historiques par la liste de 1862 et par la liste de 1875, et le site est également inscrit par arrêté du 8 juin 1942. Le classement et l'inscription mentionnent notamment l'intérieur du château, l'ancien pont‑levis, l'ancienne porte sud et le rempart sud‑est ; la fiche comporte aussi la référence « Le château, 1890–1900 ».