Origine et histoire du Château d'Assas
Le château d'Assas, folie montpelliéraine du XVIIIe siècle, se situe à Assas, près de Montpellier, dans l'Hérault. Le plus ancien propriétaire mentionné remonte à 1100. La seigneurie, vendue en 1486 à Guillaume Bonnal, passa ensuite aux familles Pluviès et Montchal, puis à Joseph de Boyer, marquis de Sorgues, qui céda le domaine en 1747 à Jean Mouton de la Clotte. Issu d'une famille de marchands enrichis et anoblie, Jean Mouton de la Clotte fit démolir le château féodal pour élever la résidence d'été que l'on connaît aujourd'hui, construite à la fin des années 1750. Il s'adressa pour cela à l'architecte Jean-Antoine Giral. Le nouvel édifice fut implanté un peu à l'ouest de l'ancien, de façon à se trouver à cheval entre deux jardins de petite dimension. Le plan présente un escalier déporté sur un côté, tandis qu'au centre prend place un vestibule d'honneur offrant la vue sur les deux jardins et relié, par des dégagements, à deux galeries qui font office d'entrée. En élévation, les angles sont traités en gorges arrondies et quatre pavillons d'angle forment une sorte de second étage cantonnant la toiture du corps central. L'accès à ces pavillons se fait par deux terrasses latérales élevées au-dessus du sol du grenier et garnies de balustrades, singularité qui n'a pas d'analogue dans les résidences environnantes de Montpellier. À l'ouest, la porte constitue le motif principal de la façade ; l'arc et son ébrasement en gorge sont attribués à D'Aviler. L'ensemble constitue un exemple remarquable de résidences d'été édifiées lorsque Montpellier fut capitale du Bas-Languedoc. Les descendants de Mouton de la Clotte conservèrent le château jusqu'à la Révolution ; en 1789 quelques révolutionnaires martelèrent les armoiries familiales, mais l'intervention des villageois mit fin à ces dégradations. Au XIXe siècle, divers occupants entreprirent des transformations sans nuire à l'édifice. Dans les années 1920, Patrick Geddes acquit le château pour en faire un centre d'études consacré à l'urbanisme ; il fut ensuite transformé en collège, puis vendu à l'antiquaire M. Leconte-Normand, et enfin occupé et mutilé par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1949, il devint la propriété de l'archéologue Robert Demangel et de son épouse Simone-Thérèse ; il appartient aujourd'hui à leurs héritiers. Le château a servi de cadre au tournage de La Belle Noiseuse en 1991 et de Retour de Casanova en 1992, et il se visite lors des Journées du Patrimoine.
L'attribution de l'édifice à Jean-Antoine Giral est plausible au regard de l'élégance et de la technique de la façade, flanquée de deux pavillons à pans coupés et rythmée par des pilastres ioniques en ordre colossal surmontés d'une balustrade de pierre. Lors de la construction, des éléments provenant du château de la Mosson, démoli en 1758, furent remployés, notamment la ferronnerie des balcons du premier étage et un grand lustre, tandis que les boiseries du grand salon ovale, également issues de la Mosson, furent vendues au XIXe siècle. L'intérieur a conservé sa disposition et ses circulations d'origine. En remplacement des boiseries, M. Leconte-Normand installa de grandes toiles peintes de Jacques de la Joüe dans le salon de musique, dont l'acoustique naturelle, équilibrée, convient particulièrement aux instruments baroques ; ce salon abrite un petit orgue positif et surtout un clavecin du XVIIIe siècle utilisé pour de nombreux enregistrements. Ce clavecin a fait l'objet d'une importante discographie, saluée par la critique et par de nombreuses récompenses, avec notamment les intégrales de Rameau et de Couperin par Scott Ross ainsi que des enregistrements de Jacques Duphly, Domenico Scarlatti, Jean-Philippe Rameau, Jean-Sébastien Bach et Louis Marchand par des interprètes tels qu'Elisabeth Joyé, Frédéric Hass, Jean Rondeau, Benjamin Alard, Justin Taylor et Emmanuel Arakélian. Scott Ross, hôte régulier, disposait d'une chambre dans la tour sud-ouest jusqu'en 1983 ; il fréquenta le lieu et mourut ensuite dans une maison située en face du château. La famille Demangel perpétue la vie musicale du lieu et conserve une collection d'instruments anciens à clavier, parmi lesquels cet exceptionnel clavecin anonyme français du XVIIIe siècle. Le château est également reconnu pour ses décors intérieurs remarquablement conservés, ses façades et ses garde-corps en fer forgé provenant du château de la Mosson ; une statue en terre cuite des « Indes Galantes » orne la salle à manger. En tant que château de village, ses jardins restent de petite taille et sont principalement ornés d'imposants buis taillés du XVIIIe siècle. L'ensemble comprenant le château et ses deux galeries est classé au titre des monuments historiques depuis le 14 septembre 1937, tandis que les façades et toitures de la tour-pigeonnier sont inscrites depuis le 10 avril 1989. Enfin, si une croyance associe souvent Louis d'Assas, dit le chevalier d'Assas, au château, la famille dont il est issu avait émigré au Vigan à la fin du XIVe siècle ; aucune source n'indique qu'il se soit rendu au château et la seigneurie n'appartenait plus aux d'Assas depuis près de trois siècles.