Origine et histoire du Château d'Aulteribe
Le château d'Aulteribe est un château fort du XVe siècle situé à Sermentizon, dans le Puy-de-Dôme, implanté sur les premiers contreforts des monts du Livradois et à proximité de la voie Agrippa. De plan polygonal aujourd'hui, il conserve des vestiges et aménagements successifs, remodelés aux XVIIe et surtout au XIXe siècle, et présente une petite cour intérieure autour de laquelle s'articulent les salles. Propriété de l'État depuis le legs fait en 1954 à la Caisse nationale des monuments historiques, il est géré et ouvert au public par le Centre des monuments nationaux. Classé au titre des monuments historiques, le château et l'intégralité de son mobilier bénéficient également d'une protection spécifique.
La première mention du lieu remonte à la seconde moitié du XIIIe siècle avec Odinet Cholet et, en 1400, Pierre Cholet reçoit le titre de seigneur d'Aulteribe. Sa fille Catherine épouse Charles Motier de La Fayette, qui, en 1467, fortifie la place par l'édification d'archères et de canonnières, puis lègue la seigneurie à son fils naturel Jean Motier en 1486. À la fin du XVe siècle le château était défendu naturellement par un ravin sur trois côtés ; il comportait un plan carré cantonné de quatre tours, un corps de logis donnant sur la cour d'honneur et une enceinte flanquée de tours avec châtelet et pont-levis au sud. La seigneurie passe ensuite à Jean de Montboissier puis reste dans les familles de Montboissier et de Beaufort-Montboissier jusqu'en 1662, période durant laquelle des travaux sont réalisés sur le flanc est, notamment l'adjonction d'une tour carrée. En 1662 Anne Gabrielle de Beaufort-Montboissier de Canillac apporte la seigneurie à la famille de Montagu, qui conserve le domaine pendant un siècle sans paraître l'habiter. En 1775 la propriété est vendue à Jacques de Pierre, et dans la génération suivante le château, alors menaçant ruine, est restauré au XIXe siècle par son petit-fils Joseph de Pierre, passionné d'agronomie, avec le soutien financier de Caroline Costoz-Onslow. Joseph de Pierre modernise l'organisation agricole du domaine et, avec les femmes de la famille collectionneuses comme Caroline Costoz-Onslow et Marie Clauzel, restaure et enrichit le château et ses abords dans un goût romantique. Les collections rassemblées par la famille sont transmises à Henry de Pierre (né en 1871), ingénieur agronome et officier des haras, qui poursuit une carrière dans les haras nationaux et, à sa mort, lègue le château et ses collections à l'État en 1954. Le legs précisait que cette collection devait servir "à l'instruction artistique des visiteurs", vocation qui a conduit à ouvrir le château au public et à en faire un lieu d'enseignement, notamment via la formation BTMS Ébéniste en restauration de mobilier mise en place sur le site et en alternance avec l'IFP43.
L'architecture actuelle porte la marque des transformations du XIXe siècle : la façade sud, asymétrique, présente un corps central de deux étages couronné de mâchicoulis et d'une bretèche, et des fenêtres à meneaux et traverses. L'escalier d'honneur, à balustrade en grès gris, relie une tour carrée à un pavillon décoré d'une tourelle et d'une poivrière en pierre rose ; un arc brisé médiéval réemployé sert d'entrée de famille au premier étage, tandis qu'une porte à arc déprimé sous le perron mène à la cour intérieure et aux cuisines. La façade ouest s'ouvre par de grandes fenêtres sur un balcon à consoles de granit desservant la grande salle seigneuriale, et les élévations sur le ravin, élevées sur deux étages, sont rythmées par des fenêtres à meneaux et traverses. Devant le château se dresse une petite chapelle néo-romane, d'inspiration romane auvergnate, au plan simple avec une abside et deux absidioles ; sa polychromie brique et pierre et ses modillons anthropomorphes participent à sa décoration.
La collection mobilier et d'objets d'art du château couvre une chronologie du XVe au XIXe siècle et restitue, de salle en salle, l'esprit d'une demeure de collectionneurs du début du XXe siècle. Au rez-de-chaussée, une salle basse expose du mobilier breton et une tapisserie, et les anciennes cuisines, aujourd'hui accueil et boutique, conservent des fourneaux du XIXe siècle. La grande galerie, qui traverse le château selon un axe nord-sud, dessert à l'ouest le salon vert, le grand salon, le petit salon bleu et la chambre d'été, et à l'est la chambre de l'oncle René, la chambre bleue, la chambre longue, le petit salon rouge, le salon jaune et la chambre du marquis. Outre du mobilier d'époque, la galerie abrite des œuvres remarquables, parmi lesquelles le Portrait du Cardinal de Richelieu par Philippe de Champaigne (1633), un portrait du comte de Toulouse par l'atelier de Hyacinthe Rigaud, un portrait du Grand Dauphin par Jean-Baptiste Martin, une Carmélite en extase de Michel Corneille et un paysage flamand de Tobias Verhaecht.
Le salon vert présente une cheminée en bois sculptée dans le goût de l'école de Fontainebleau et des portraits, dont un attribué à Catherine de Médicis et un Monseigneur de Saint-Albin par l'atelier de Hyacinthe Rigaud, ainsi que le tableau Le Christ et le Tentateur d'Annibale Carrache. Le grand salon, tendu de damas rouge, est dominé par une cheminée monumentale ornée d'un cerf portant le blason des de Pierre et par une tenture de cinq tapisseries d'après David II Teniers ; on y trouve aussi le piano de George Onslow et un portrait par Malenkiewick. Le petit salon bleu contient un écritoire Louis XV, une encoignure provenant du château de Bellevue, des porcelaines européennes, chinoises et japonaises du XVIIIe siècle, ainsi que des tableaux comme les Allégories de la Justice et de l'Innocence de Jean-François de Troy et un Repos de la Sainte Famille de Jacques Stella. Le petit salon rouge et le salon jaune présentent respectivement des portraits, monogrammes de carrosse et d'autres œuvres, le salon jaune étant consacré au compositeur George Onslow avec, entre autres, un buste par Chalonnax, un piano Pleyel et une baguette offerte par Félix Mendelssohn-Bartholdy.
Parmi les chambres, la chambre d'été de la marquise contient un lit à la polonaise Louis XV et plusieurs portraits et allégories, la chambre de l'oncle René expose souvenirs de voyages et objets orientalistes ainsi que des tableaux d'artistes orientalistes, et la chambre bleue est meublée de chaises provenant de Fontainebleau et décorée de portraits de famille dans le goût de Boilly. La chambre longue montre une suite de gravures aquarellées de Jacques Rigault représentant les bosquets de Versailles et Trianon et un tableau d'Arthur Onslow représentant le château dans les années 1830. La chambre du marquis est ornée d'une Femme jouant du luth par Théodore Van Thulden, d'un portrait de femme par Alexander Roslin et d'une sculpture d'étalon par Isidore Bonheur. Ouvert au public depuis 1965, le château met en valeur mobilier et tableaux pour restituer l'atmosphère d'une demeure de collectionneur et sert simultanément d'instrument pédagogique et culturel.