Origine et histoire du Château d'Étoges
Le château d'Étoges, situé sur la côte des Blancs dans la commune éponyme de la Marne, a été reconstruit au début du XVIIe siècle sur les bases d’une ancienne forteresse. Son parc se distingue par de nombreuses sources jaillissantes qui alimentent bassins et larges douves. Inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis 1956, il fonctionne aujourd'hui comme un hôtel de luxe quatre étoiles, avec un restaurant gastronomique, une brasserie et un spa.
Le village d’Étoges était autrefois un relais de poste sur la route royale menant à Strasbourg ; ses sources alimentaient déjà les douves de la forteresse érigée au XIIe siècle par les seigneurs de Conflans, maréchaux héréditaires de Champagne. En 1339, le domaine passa par alliance aux d’Anglure, qui en firent leur berceau au XVe siècle après la vente du domaine d’Anglure ; les gisants conservés à l’église en témoignent. Étape sur la route de l’est, Étoges reçut de nombreux souverains, et en 1544 François Ier y séjourna chez son lieutenant François d’Anglure.
En 1572, Antoinette d’Anglure apporta la seigneurie en dot à Chrestien de Savigny, baron de Rône ; ses héritiers, gardant le nom d'Anglure, rasèrent la forteresse pour ériger un château inspiré du style de la place Royale à Paris. Le corps de logis principal est flanqué de deux ailes, dont l’une présente une galerie d’arcades surmontée d’une galerie intérieure, tandis que les tours d’angle sont coiffées de toits en dôme. La cour, mêlant briques et pierres, contraste avec l’allure défensive des façades extérieures ; les fossés sont maçonnés et, au-delà, des terrasses à la française structurent le parc.
Érigé en comté en 1656, le domaine connut un moment de splendeur sous Marc Antoine Saladin d’Anglure, qui reçut Louis XIV en 1687 ; le Mercure Galant rapporta l’admiration du roi pour les « vingt‑quatre jaillissements » des sources et pour la galerie peinte par Jean Hélart, œuvre majeure du peintre rémois proche de Jean de La Fontaine. Ce faste conduisit cependant la famille à la ruine : un an après la visite royale Marc Antoine Saladin mourut à 48 ans, son fils disparut à 34 ans sans descendance, et le domaine fut vendu en 1717.
Au XVIIIe siècle, trois familles de noblesses de cour se succédèrent à Étoges. Joseph Marie de Boufflers acquit le domaine en 1718 et fit réaliser un grand escalier, des grilles et un pont de pierre ; la propriété passa ensuite à Ambroise‑Julien Clément de Feillet, dont la famille institua notamment une fête de la Rosière, puis à Claude Christophe Lorimier de Chamilly et à son épouse Marie‑Thérèse Marsollier. Dès 1789, la position du comte d’Étoges à Versailles et la présence d’un maire fanatique surnommé le Berger d’Étoges accentuèrent les tensions révolutionnaires ; en juin 1791 la berline royale fit étape au village, mais le roi ne franchit pas la grille. En 1792 les Chamilly furent arrêtés, le château fut mis sous séquestre puis vendu comme bien national, et Chamilly fut interné au Temple avant d’être guillotiné en 1794.
Après plusieurs changements de propriétaires, le château fut acheté en 1802 par François Scholastique de Guéheneuc, père de Louise de Guéheneuc épouse du maréchal Lannes ; créé comte de l’Empire, Guéheneuc occupa de hautes fonctions et son fils servit comme aide de camp de l’Empereur. En février 1814, la région fut le théâtre de la campagne de France, avec les batailles de Champaubert et de Montmirail, et le quartier général de la coalition s’installa au château d’Étoges. Après la chute de l’Empire, Guéheneuc se retira à Étoges, y créa un jardin à l’anglaise et exerça divers mandats municipaux et départementaux jusqu’à sa mort en 1840.
Le domaine passa ensuite à Henriette Kirgener de Planta et à son fils Napoléon‑Louis‑Henri, qui vendirent des dépendances et des parcelles ; mis en vente dans un état délabré en 1874, il fut acquis en 1877 par Charles Uriel, qui entreprit de le réduire pour en faire une demeure plus modeste et vendit des panneaux peints de la galerie d’Hélart au comte Werlé. Le gendre d’Uriel, Dominique Neuville, réalisa des travaux d’embellissement, puis son fils Robert Neuville mena des actions de remise en valeur, restaura le système hydraulique du parc et participa à l’exhumation des gisants de l’église. En 1991 Anne Filliette‑Neuville transforma le château en hôtel et y ouvrit un restaurant gastronomique en 2006 ; en octobre 2023 elle a cédé l’établissement au groupe NAO Collection, qui en poursuit l’exploitation hôtelière.
Plusieurs objets du château sont inscrits à l'inventaire des monuments historiques, parmi lesquels une peinture de Marc Antoine Saladin, des bas‑reliefs, une pièce liée à Guy Piedefer et une plaque en mémoire de la campagne de France de 1814.