Origine et histoire du Château d'Harcourt
Le château d'Harcourt est une demeure des XVIIe et XVIIIe siècles, aujourd'hui en ruine, située sur le territoire de l'ancienne commune de Thury‑Harcourt (commune nouvelle de Thury‑Harcourt‑le‑Hom), dans le Calvados, en Normandie. Après la Seconde Guerre mondiale il n'en subsiste que des façades et quelques annexes, la chapelle ayant été restaurée ; l'ensemble est inscrit au titre des monuments historiques. Les ruines dominent la rive de l'Orne, à 350 mètres au nord‑ouest de l'église Saint‑Sauveur de Thury‑Harcourt.
La seigneurie de Thury possédait dès le Moyen Âge un château et a successivement appartenu aux familles Tesson (Heytesson), Préaux et Montmorency, avant d'être érigée en marquisat en 1578 en faveur de Pierre Ier de Montmorency‑Fosseux. En 1635 Odet d'Harcourt acquiert le marquisat et fait édifier la partie la plus ancienne du château, constituée d'une façade d'arrivée prolongée par une aile en retour. Au début du XVIIIe siècle Henri d'Harcourt, devenu duc et maréchal de France, fait agrandir le logis en prolongeant l'aile proche de l'Orne par un long corps de bâtiment couvert d'un toit mansardé; la chapelle était alors adossée à ce corps de logis. Les travaux commencés par Henri d'Harcourt, interrompus par sa mort en 1718, sont achevés par sa veuve, Marie Anne Claude Brulart de Genlis, qui y installe ses appartements. Le duché d'Harcourt resta dans la descendance jusqu'au XIXe siècle; François‑Henri d'Harcourt, cinquième duc, émigre à la Révolution, son domaine est saisi, puis repris par ses petits‑enfants dans les premières années du XIXe siècle. En 1856 le château est vendu à Eugène, huitième duc d'Harcourt, dont la famille en conserve la propriété par la suite. Le 21‑22 juin 1786 le roi Louis XVI et sa suite firent étape au château en route pour Cherbourg.
En août 1944 le château est incendié par les troupes allemandes lors de leur retraite; il ne sera pas reconstruit, à l'exception de la chapelle. Avant sa destruction, le monument, bâti en 1635 et agrandi au XVIIIe siècle, abritait un vaste vestibule dallé de marbre, un escalier principal en pierre à rampe en fer forgé, et de riches appartements décorés de boiseries et de portraits familiaux. Parmi les pièces remarquables figuraient la salle des Maréchaux, le salon des dames d'Harcourt, le salon des gouverneurs, la salle à manger ornée de dessus‑de‑porte représentant le domaine, des boudoirs laqués contenant notamment deux portraits par Fragonard, et la chambre où dormit Louis XVI, tendue de toile de Jouy. L'escalier du premier étage était décoré de huit grands tableaux relatant l'histoire de Joseph; huit peintures cintrées du XVIIIe siècle, surmontées de médaillons floraux, ont échappé à l'incendie et furent exposées dans les années 1970 au château du Champ‑de‑Bataille.
Le parc, redessiné vers 1760 par François‑Henri d'Harcourt, était célèbre en Europe pour l'aménagement d'une colline face au château ornée de bosquets d'espèces rares, de fabriques antiques et de sentiers offrant de nombreux points de vue. Cette partie du jardin, accessible depuis le château par bateau et par une passerelle sur l'Orne, fut réputée et visitée, notamment par l'agronome Arthur Young en 1788. Après la Révolution le parc tomba en déshérence; il fut endommagé par les combats de 1944 puis réaménagé après la guerre par le onzième duc d'Harcourt, qui créa, près du « pavillon de fantaisie », des jardins de fleurs disposés sur trois terrasses.
Une partie des archives du duché d'Harcourt est conservée aux Archives départementales du Calvados (cotes E1 à E527); la bibliothèque et de nombreux souvenirs du château existaient encore en 1944 et ont servi de source à des publications du XIXe siècle. Au début de la Seconde Guerre mondiale une cinquantaine d'objets avaient été transférés par précaution au château de Carrouges, refuge pour des collections d'État.
Au titre des monuments historiques le bâtiment principal et les deux pavillons d'entrée sont inscrits par arrêté du 21 juin 1927, tandis que la chapelle, les douves et la cour d'honneur sont inscrites par arrêté du 19 novembre 1963.