Origine et histoire du Château d'Heilly
Le château d'Heilly, mi-féodal mi-classique, était situé sur les communes d'Heilly et de Ribemont-sur-Ancre, près d'Amiens ; il est aujourd'hui partiellement détruit. Selon la légende, Ganelon, personnage de la Chanson de Roland, y aurait trouvé refuge, été jugé, condamné et écartelé après la mort de Roland à Roncevaux. Pendant des siècles, le château a rythmé l'histoire locale : les seigneurs d'Heilly participèrent à des événements comme les batailles de Bouvines et d'Azincourt, servirent à la cour de François Ier et occupèrent des fonctions ecclésiastiques à Amiens. La seigneurie passa ensuite aux familles de Créqui, Bailleul, Belloy, Hargicourt, Pisseleu, Gouffier, Choiseul et Chabrillan. Le château fut l'une des résidences d'Anne de Pisseleu, duchesse d'Étampes et favorite de François Ier ; elle y passa son enfance, y revint après son exil et y mourut au début de septembre 1580. Du château médiéval remanié à la Renaissance il ne subsiste presque rien, en partie à la suite d'incendies causés par les armées espagnoles en 1553 et 1636, puis de destructions et de réparations ultérieures. Au XVIIIe siècle la famille de Gouffier entreprit d'importants travaux de reconstruction confiés à l'architecte Pierre Contant d'Ivry, à partir de 1737. Contant d'Ivry imagina un corps de logis néo-classique entièrement en pierre, placé sur une seule face du château en remplacement d'anciennes murailles médiévales, tandis que la façade donnant sur le parc conservait ses tours, créneaux et fossés. L'édifice fut intégré à un vaste parc orné de grilles en fer forgé exécutées par le serrurier Jean Veyren ; des projets de canaux, dont un grand canal face à la façade et un petit canal près de l'orangerie, ne furent pas achevés. L'intérieur fut réaménagé avec un grand escalier en pierre sculpté et des décors de style rocaille. Les aménagements comprenaient au rez-de-chaussée les espaces de service tels que cuisine, office et salles de bains ; au premier étage les pièces de réception — grand salon, salle à manger, salon d'hiver, petite salle à manger, billard, bibliothèque — ainsi que les appartements du marquis et de la marquise et une chapelle bénie en 1756 desservie par un chapelain ; le second étage accueillait les autres chambres. Au début du XIXe siècle le château était encore entretenu mais n'était plus que partiellement et épisodiquement habité. Au milieu du XIXe siècle il fut en grande partie démoli et ses matériaux dispersés, certains éléments décoratifs étant vendus ou remontés ailleurs. Parmi ces éléments, des grilles ornées d'attributs cynégétiques furent installées à l'entrée du château de Bertangles et d'autres au château de Digoine ; une grille du jardin potager fut remontée au château de Marcelcave puis détruite pendant la Première Guerre mondiale, et une autre grille dite « au chardon » fut remontée à Albert avant de disparaître pendant le même conflit. Des boiseries d'un salon furent placées dans les Salons Saint Denis à Amiens puis perdues dans un incendie, tandis que des boiseries de la salle des mariages de l'hôtel de ville d'Amiens subsistent en bois naturel sculpté. Le groupe sculpté Angélique et Médor de Nicolas-Sébastien Adam, autrefois dans le parc, fut donné en 1844 à la Société des Antiquaires de Picardie et se trouve aujourd'hui au Musée de Picardie ; une copie en marbre réalisée en 1894 par Albert Roze a été placée dans le jardin du cirque d'Amiens. Deux autres statues d'Apollon et Diane de Nicolas-Sébastien Adam, qui décoraient la cage d'escalier du château, sont également conservées au Musée de Picardie. Une fontaine en pierre fut remontée dans la cour de l'hôtel particulier de la famille Cosserat à Amiens. Deux sphinges en terre cuite, longtemps attribuées au château d'Heilly et conservées au Musée de Berny puis au Musée de Picardie, voient aujourd'hui cette origine discutée après une analyse approfondie effectuée au début des années 2010. Après 1847 un pavillon de la façade du XVIIIe siècle fut accolé à un logis en brique formant une habitation occupée jusque dans le XXe siècle ; ces constructions subsistent aujourd'hui dans un état très dégradé. Le domaine appartient pour partie à des propriétaires privés et pour partie à la commune. Depuis juillet 2021, la communauté de communes du Val de Somme propose une visite virtuelle du domaine fondée sur une reconstitution numérique de son aspect visuel. Les vestiges du château — notamment la terrasse supérieure, l'orangerie, le parterre, les rampes d'escaliers, le boulingrin, les murs de clôture et de soutènement, les talus, la basse-cour primitive et le grand canal dont l'extrémité ouest forme aujourd'hui le Parc du grand canal — sont inscrits au titre des monuments historiques par un arrêté du 9 juillet 2001. Un pavillon subsistant, issu de la façade du XVIIIe siècle, menace aujourd'hui de s'effondrer faute d'entretien.