Origine et histoire du Château d'Ivry la Bataille
Le château d'Ivry-la-Bataille est un ancien château fort de la fin du Xe siècle, aujourd'hui en ruines et détruit en 1424. Ses vestiges se dressent sur la commune d'Ivry-la-Bataille, dans le sud-est de l'Eure en Normandie, et sont classés au titre des monuments historiques. Implanté sur un promontoire dominant la vallée de l'Eure et le bourg d'environ 70 mètres, il constituait un point de contrôle visuel et défendait le pont qui franchit la rivière. Située au carrefour de la Normandie et de l'Île-de-France, la place contrôlait les frontières sud-orientales du duché de Normandie, enjeu stratégique entre les couronnes de France et d'Angleterre. Le site pourrait avoir été occupé dès l'époque antique en relation avec une voie reliant Évreux à Paris, hypothèse non confirmée par l'archéologie. À la fin du Xe siècle, Richard Ier de Normandie confia la place à Raoul d'Ivry, qui fit construire une importante structure castrale en maçonnerie autour de l'an mille à l'emplacement d'une aula carolingienne. Selon les sources médiévales, Aubrée (Alberède) aurait commandé l'élévation d'une tour fameuse à un architecte nommé Lanfred, et le donjon élevé vers l'an mille figure parmi les premières fortifications de pierre en Normandie. Au XIe siècle, le château connut plusieurs mutations liées aux rivalités ducales : Hugues d'Ivry s'y révolta, le duc récupéra la place et des travaux importants furent entrepris, certains attribués à Alberède et cités par Guillaume de Jumièges. Le titre de comte d'Ivry disparut au milieu du XIe siècle et le château passa sous contrôle ducal, avec des mentions de Roger de Beaumont et d'autres seigneurs dans les sources. Des cessions et échanges de seigneurie sont attestés vers la fin du XIe siècle, provoquant des tensions entre grands barons. Le château fut incendié par Louis VI en 1119, remis entre les mains d'Henri II en 1177, puis pris par Philippe Auguste en 1194 et rattaché au domaine royal après le traité d'Issoudun. Pendant la guerre de Cent Ans, la forteresse capitula aux Anglais en 1419 après un siège et fut reprise par les Français à l'été 1423, qui l'utilisèrent pour des coups de main contre Évreux. Les Anglais assiégèrent de nouveau la place en juin 1424 sous le duc de Bedford ; la forteresse capitula début juillet et leur restitution vint mi-août, après quoi ils détruisirent les parties supérieures faute de pouvoir y maintenir une garnison. Après cette démolition, le château perdit toute valeur stratégique et n'apparut plus que dans des inventaires et aveux signalant son état de ruine aux XVe et XVIe siècles. La baronnie fut achetée par Diane de Poitiers en 1547, puis des évaluations du site aux XVIe et XVIIIe siècles constatèrent son arasement et la présence de quelques débris. Abandonnés et utilisés comme carrière, les vestiges furent comblés et l'emplacement finit par presque disparaître sous une colline boisée. En 1968 Robert Baudet et un club archéologique entreprirent le dégagement des substructures ; après vingt ans de travaux, le sol d'origine et les ruines réapparurent. Ces travaux conduisirent au classement des vestiges en 1990 et attirèrent l'intérêt de spécialistes comme Jean Mesqui, Edward Impey et Lucien Musset, qui publièrent des analyses sur les parties anciennes datées autour de l'an mille. De nouvelles fouilles menées de 2007 à 2010 et le réexamen des ruines ont permis d'éclairer l'histoire du château. Le site est défendu par trois fossés parallèles et un quatrième creusé dans le rocher sur le flanc ouest, formant une position en éperon barré renforcée ultérieurement par une enceinte flanquée. À l'est, la butte domine le bourg d'une cinquantaine de mètres, où se sont développés les habitats le long de l'Eure autour du pont contrôlé par la forteresse. La construction primitive, commencée vers 960, est une aula carolingienne rectangulaire de 32 × 25 mètres dont les murs de trois mètres d'épaisseur présentent un appareil en arête-de-poisson et des chaînages en briques. À la fin du Xe siècle, cette aula fut transformée en logis-donjon à contreforts, comprenant une chapelle dédiée à Saint-Ursin et une tourelle, édifice qui perdit ensuite son niveau inférieur du fait d'apports massifs de remblais. La tour d'Ivry, par sa physionomie, a été rapprochée par certains auteurs de celle de Londres et aurait, selon les interprétations, pu servir de modèle, tandis que Philippe Auguste fit raser et surélever une moitié de la tour après 1194 pour en faire un donjon à vocation défensive. Avant la prise par Henri V, le château fut encore aménagé avec un châtelet sur l'accès principal et probablement renforcé au XIVe siècle par une grosse tour dans l'angle nord-est. Aujourd'hui, du donjon carré élevé à la fin du XIe siècle ne subsiste que le premier niveau. Les parties apparentes et le sol des parcelles susceptibles de contenir des vestiges sont classés par arrêté du 8 février 1990. Propriété communale, le site a fait l'objet de fouilles importantes et est en accès libre toute l'année.