Origine et histoire du Château de Carneville
Le château de Carneville se dresse dans le Val de Saire, à 1,1 km au sud de l'église Saint-Malo, sur la commune de Carneville dans la Manche, et il bénéficie d'une protection partielle au titre des monuments historiques. Sur le site se dressait dès le Moyen Âge un château dit de la Motte, détruit en 1405 par les Anglais. François Simon (v. 1592-1660) fit élever un nouveau manoir sur la seigneurie ; un linteau porte la date de 1640. Son fils Hervé François fit édifier un second manoir, daté de 1699 ; ces deux bâtiments, transformés en dépendances du château, ont peu été modifiés depuis leur construction. Le château actuel a été bâti en 1755 par François Hervé Simon de Carneville (1721-1798), sur le modèle du château de Saint-Pierre-Église ; il comprenait une boulangerie et un verger, dans un esprit inspiré des idées physiocrates. François Hervé et Françoise Charlotte Brohier eurent cinq enfants : Françoise Constance, mariée à Bon Paul Jacques Érard de Belisle, Marie Françoise Charlotte, mariée à Pierre Charles Bernardin du Tertre, Georges François (1750-1837) et François Charles Adrien Symon (1754-1816), ainsi que d'autres fils mentionnés. Georges François et François Charles Adrien, officiers de cavalerie, émigrèrent et servirent dans l'armée des Princes puis au service de l'empereur d'Autriche ; François Charles Adrien finança une « Légion de Normandie » dite « corps de Carneville » à hauteur de 600 000 francs et fut colonel propriétaire de ce corps éphémère, puis créa un nouveau corps franc en 1793 et devint feld-maréchal et chambellan de l'empereur d'Autriche. De retour sous la Restauration, les deux frères furent maréchaux de camp puis lieutenants-généraux honoraires. Le plus jeune, Louis François Paulin Symon (né en 1769), fut maire de Carneville de 1822 à 1831 ; en 1836 il dut vendre le château qui fut acquis la même année par l'avocat Jean-Jacques La Hougue. À cette époque le domaine était décrit comme comprenant le château en pierres, composé d'un rez-de-chaussée, de deux étages et de combles, « composé de 75 appartements », avec dépendances, cour, avenues, un grand jardin de trente ares, deux étangs, une ferme, des bâtiments d'exploitation et environ trois cents vergées de terre, d'un revenu de 6 000 francs. En 1880, Georges Ernest Symon (1831-1915) racheta l'ancien domaine familial ; il vécut avec son épouse Françoise Marie Étiennette Cozzi et eut deux filles et un fils, Georges François, décédé en 1922. En 1927 le château passa dans la famille du comte René Clérel de Tocqueville et de son épouse Marie de Gargan ; les comtes de Tocqueville le restaurèrent après la guerre, leur fille Hélène aménagea une roseraie, puis la propriété fut vendue en 2011 à un antiquaire. Acquis en 2012 par Guillaume Garbe, le parc a été ouvert au public pour des manifestations culturelles et festives ; l'intérieur, fortement dégradé par la mérule, a fait l'objet de travaux et, en 2015, le propriétaire a reçu le prix Hélie de Noailles doté de 15 000 euros. En mai 2018 le château a été retenu pour bénéficier du loto du patrimoine. Le bâtiment principal présente une façade longue de 26 mètres et une surface d'environ 900 m², complétée par 2 000 m² de dépendances et un parc de sept hectares ; derrière le château s'étend un jardin à la française et la cour d'honneur est accessible par une allée monumentale bordée d'arbres. Le parc, issu d'anciens marais asséchés, comprend une pièce d'eau et un puits du XVIIIe siècle aménagés par René de Tocqueville, ainsi qu'un chêne qualifié de centenaire et estimé à au moins 600 ans. Le corps de logis est quadrangulaire, de plan massé (deux pièces en profondeur), long de 26 mètres, élevé sur rez-de-chaussée surélevé et un étage couronné de lucarnes aux fenêtres cintrées ; la façade sud-ouest, côté cour d'honneur, comporte un avant-corps central surmonté d'un fronton triangulaire et flanqué de courtes ailes. La façade donnant sur la cour compte quatorze baies tandis que la façade arrière en présente dix-huit, et la diversité des linteaux contribue à l'harmonie de l'ensemble, rapprochable par son caractère de certaines demeures régionales comme le château de Tourville ou l'hôtel de Folliot de Ferville. Les deux manoirs des dépendances, construits en granit rose de Fermanville et couverts en schiste, ont été peu transformés ; l'un, anciennement écurie, comporte un escalier extérieur sous auvent et près de lui subsistent les vestiges d'un pigeonnier détruit à la Révolution, l'autre, d'époque Louis XIV, présente des ouvertures allongées, de petites lucarnes surmontées d'un épi et fut agrandi en 1725 d'une boulangerie au toit de chaume bâtie par Charles François Simon (1697-1736). La basse-cour a reçu au XIXe siècle plusieurs bâtiments, dont une écurie de 1895 devenue la « salle du canal » et une dindonnerie ; une pierre datée 1078 est en fait une pierre de réemploi provenant vraisemblablement de l'église primitive du XIe siècle, entièrement reconstruite à la fin du XIXe siècle. Une glacière, sans doute de la fin du XVIIIe siècle, subsiste; elle fut modifiée durant la Seconde Guerre mondiale par l'occupant. Au titre des monuments historiques, les façades et toitures du château ainsi que plusieurs pièces et leurs décors (la salle à manger, le bureau, le petit salon du rez-de-chaussée, la chambre au-dessus du petit salon à l'entresol et les cheminées des chambres 4, 8 et 15 avec leur trumeau) ont été classées par arrêté du 28 juillet 1975, et les façades et toitures du bâtiment ancien des communs et de la boulangerie ont été inscrites à la même date ; les communs, le second manoir daté de 1699, la façade arrière vue du parc, le bassin d'agrément, le chêne centenaire et la charmille figurent également parmi les éléments protégés.