Origine et histoire du Château de Cascastel
Le château de Cascastel, situé à Cascastel‑des‑Corbières dans l'Aude, prend ses racines d'une Villa Calcicustello mentionnée dès 861 et d'un fort cité en 1119. L'abbé de Lagrasse fut seigneur justicier et conserva ses droits jusqu'à la fin du XVIIe siècle, sans être toutefois l'unique seigneur ; le château, qui n'apparaît pas dans les états de dépenses de l'abbaye, devait être occupé en paréage. La tour carrée est le seul vestige du fort primitif ; au sud de celle‑ci, le logis fut complété au XVIIIe siècle par d'imposants bâtiments aujourd'hui en ruines. Des constructions existaient au nord de la tour, probablement démolies lors de l'édification d'un four possiblement destiné au traitement de l'antimoine ; ce four semble antérieur à 1903, voire au XIXe siècle, et ses parements extérieurs ne portent pas de trace de boucharde, tandis que les traces de ciseaux et la taille des joints permettent de le rattacher au XVIIe siècle. Les bâtiments du château comprennent une vaste maison du XVIIIe siècle complètement délabrée, la tour carrée et le four ; autrefois, le château était relié au parc de l'autre rive par un pont à quatre arches.
Plusieurs éléments remontent au XIIe siècle : des assises de 2,50 m d'épaisseur soutiennent une salle voûtée de 8 m de hauteur. Côté rivière, un escalier creusé dans l'épaisseur du mur permettait au guetteur d'accéder à la plateforme et facilitait la construction. L'entrée primitive, située au premier étage, donne aujourd'hui dans l'intérieur du bâtiment accolé à gauche de la tour ; on y accédait par des moyens mobiles que l'on retirait en cas d'alerte. Un mur d'enceinte encore assez bien conservé séparait la tour et les logis seigneuriaux du reste du fort ; en 1390 ce mur était neuf, alors que le reste du fort était en mauvais état et que les habitants subissaient des raids de mercenaires venus d'Aragon, ce qui entraîna la reconstruction du fort en moins de trois ans. Un corps de logis du XVIIe siècle s'adosse à la tour et ouvre sur une terrasse.
En 1737, Marie‑Thérèse de Ros y Sorribes, veuve de Gaspard de Pailhoux et mère de Joseph Gaspard de Pailhoux de Cascastel, obtint des habitants, dont le bayle François Amiel, les jardins situés à "l'horte sur la ville" ; ces jardins, avec le béal et les moulins, formaient alors un même tènement face au château avant qu'un pont ne relie la terrasse à ces jardins. Le salon, en bas à gauche du corps de logis, présente un décor de gypseries issu de campagnes successives : d'époque Louis XIII il conserve un plafond à la française, une seconde campagne a ajouté une cheminée et des moulures de style Louis XIII–Louis XIV, et une dernière campagne, Louis XIV–Louis XV, a produit le riche décor en hauts reliefs dorés. Ce décor s'organise en quatre panneaux thématiques — la Chasse face aux fenêtres sud‑ouest, le Jardin vers la tour nord‑ouest, la Volière au nord‑est et les Champs au sud‑est —, et le panneau de la Chasse est dominé par un portrait de Marie‑Thérèse de Ros représentée en Diane, avec ses attributs (croissant de lune, arc, flèches, carquois, cor et chiens) ; elle est la probable commanditaire de cet ensemble.
La tour, conçue pour la surveillance et la sécurité des seigneurs laïcs, abritait aussi les archives communautaires, baux et chartes, et protégeait des salles voûtées servant de celliers. Le patrimoine médiéval de Cascastel est éclairé par la charte de 1390 relative à la reconstruction du fort et aux agencements avec le château préexistant. Aux XIIIe siècle, les droits seigneuriaux se partageaient entre l'abbé de Lagrasse et deux co‑seigneurs, Raymond de Castel et Sicart de Cascastel, qui possédaient vraisemblablement la tour en commun. En 1734, Gaspard de Pailhoux et son épouse Marie‑Thérèse de Ros y Sorribes acquirent le fief noble de Cascastel ; Gaspard mourut la même année et sa veuve entreprit des travaux poursuivis par leur fils Joseph Gaspard de Pailhoux de Cascastel (1726–1808), chevalier, seigneur haut‑justicier de Cascastel et conseiller au Conseil souverain du Roussillon. Joseph Gaspard, initiateur du salon des gypseries et dernier seigneur de Cascastel, entreprit l'exploitation des mines des Corbières et de Palairac en association avec le négociant Pelletier, l'ingénieur Jean Guillot‑Duhamel, le chimiste Jean‑Antoine Chaptal et, plus tard, son gendre le général Luc Dagobert. Devenu maire de Cascastel et de Villeneuve après la Révolution, il mourut en 1808 dans son château pendant l'exercice de son mandat. L'édifice a été inscrit au titre des monuments historiques en 1948 et en 2001 (tout le château) ; le château, le pont et l'église sont inscrits au titre des sites naturels depuis 1943.