Origine et histoire du Château de Chambois
Le château fort de Chambois, ancien édifice du XIIe siècle, conserve principalement un donjon carré à tourelles d'angles de type normand et se situe sur l'ancienne commune de Chambois, aujourd'hui dans la commune nouvelle de Gouffern en Auge, dans l'Orne, en Normandie. Il contrôlait la route reliant Exmes et Falaise le long de la vallée supérieure de la Dives. Dès 924, le comté du Hiémois fut organisé en centenies et Chambois devint une châtellenie administrée par un vicaire. En 1024, Richard II de Normandie concéda la châtellenie à Drogon de Vexin; un éventuel château antérieur n'a pas laissé de traces archéologiques. Chambois fut confisqué en 1113 par Henri Ier et transmis par sa fille Mathilde à Henri II. Le donjon est attribué à Guillaume de Mandeville et, d'après des datations dendrochronologiques, a été construit entre 1160 et 1190. En 1204, Philippe Auguste réunit la Normandie au domaine royal et donna Chambois à son maréchal Henri Clément; par la suite le fief passa aux familles de Chambly puis des Tilly. En 1363 Charles le Mauvais s'empara du château puis le restitua en 1364 après sa défaite à Cocherel, période durant laquelle les fortifications furent renforcées et une garnison semble s'y être installée, comme le suggèrent de nombreux graffitis dans le donjon. Henri V le prit en 1417 et le dota à Henry FitzHugh, avant sa reprise par Dunois en 1449 lors du recouvrement de la Normandie. En 1556 les troupes protestantes de Montgomery assiégèrent et occupèrent le site avant d'être expulsées par le duc d'Étampes. Des troubles en 1649 provoquèrent déprédations; au XVIIIe siècle l'ancien logis fut démoli et remplacé par un château moderne, l'enceinte détruite en 1750 et des pavillons érigés après la vente du domaine en 1771. Pendant la Révolution le propriétaire Deneuve empêcha la démolition du donjon, qui servit ensuite de refuge lors des incursions de Chouans vers 1795-1799; vers 1830 le domaine fut morcelé et le château démoli. Le site occupe un coteau à l'est de la Dive, à proximité de l'église, et l'enceinte, jadis en pierre et cernée par le bourg, laisse encore des vestiges de murailles, des tourelles et un fossé comblé transformé en jardin. À l'est du donjon se trouvaient un logis construit en 1575 et détruit vers 1740, et un colombier semble se situer au sud-est à l'extérieur de l'enceinte. Le donjon roman a un plan rectangulaire de 21,40 × 15,40 mètres, une hauteur totale de 25,70 mètres et des murs épais d'environ 3 mètres à la base, construits en blocage avec parement en pierre de taille. Il est flanqué aux angles de tourelles carrées habitées qui, à chaque niveau, abritent de petites salles; la tourelle nord-est contenait un oratoire, leur base comporte un probable cachot et la partie supérieure servait de colombier. La terrasse, accessible par un escalier à vis aménagé dans le contrefort sud-est, était originellement crénelée; à la fin du XIVe siècle on ajouta un étage, un chemin de ronde avec parapet, mâchicoulis, créneaux et meurtrières, et l'on surmonta les contreforts d'échauguettes crénelées. La particularité du donjon est son chemin de ronde supérieur qui relie les échauguettes et une petite tour, formant une défense indépendante de la grande salle du commandant. Le donjon intègre au-dessus du rez-de-chaussée des murs évidés pour y loger couloirs, salles et latrines, procédé déjà employé dans plusieurs donjons du règne d'Henri II Plantagenêt. L'accès principal se situait au nord-ouest, à six mètres de hauteur, protégé par une saillie en encorbellement et probablement desservi par une passerelle amovible; la porte ouvrait sur un vestibule éclairé par une baie géminée puis sur la grande salle, la aula. Les trois niveaux étaient séparés par des planchers de bois et desservis par un escalier en vis qui remplace l'escalier d'origine; des corbeaux intérieurs sculptés permettent de restituer le solivage et attestent du caractère ostentatoire de la grande salle, seule pièce décorée. Le rez-de-chaussée, percé de fines ouvertures, servait au stockage et peut avoir accueilli une cuisine, comme l'indique la présence d'une cheminée peu commune pour ce niveau; une porte au nord-ouest porte un linteau orné d'un décor floral. Le second niveau comprend la grande salle éclairée par de larges baies géminées et pourvue d'une cheminée dont le manteau repose sur colonnettes et est décoré de moulures en losanges surmontées d'animaux; la salle supérieure, occupée par la chambre, est percée de fenêtres doubles rectangulaires et abrite une cheminée plus simple. Le donjon est classé au titre des monuments historiques par arrêté du 22 juin 1921.