Origine et histoire du Château de Châteauneuf-du-Pape
Le château de Châteauneuf-du-Pape domine le village et son vignoble depuis près de huit cents ans et son histoire est étroitement liée à la présence pontificale à Avignon. Un castrum d'origine romaine, probablement détruit lors des grandes invasions, est mentionné en 913 sous le nom de castellum de Leri lorsque Louis l'Aveugle le céda à l'évêque d'Avignon Foulques. En 1077, Rostaing inféoda le fief à Pierre d'Albaron, qui fit construire un donjon ; tout au long du Moyen Âge le vieux château joua le rôle de poste de surveillance et de péage sur le Rhône et passa entre les mains de diverses familles alliées des Albaron. Agrandi au XIIe siècle et rénové au XIIIe, le site fut appelé château de l'Hers ; la légende d'une installation templière à la fin du XIIe siècle a été remise en cause par des historiens du XXe siècle. La mention d'un Castro Novo en 1094 donne naissance au nom de Châteauneuf ; une construction du comte de Toulouse datée de 1146 est identifiée dans un acte de 1283 comme la vieille tour. En 1157 le tènement échut à Godefredus Lauger, évêque d'Avignon, et une charte de Frédéric Barberousse signale alors la présence de vignes. À l'installation de la papauté à Avignon, Châteauneuf reçut un statut particulier : ses hautes et basses justices relevèrent de l'évêque d'Avignon et non du recteur du Comtat. Clément V séjourna brièvement en 1314 ; après l'élection de Jacques d'Euze sous le nom de Jean XXII, d'importants travaux furent entrepris. Jean XXII consacra 3 000 florins à la restauration du vieux château et, dès 1317, lança la construction d'un château neuf achevé en 1333, tandis que la cité fut ceinte de remparts en 1318. Par sa taille et sa position le nouvel édifice avait essentiellement une fonction défensive ; ses successeurs pontifes y séjournèrent peu, sauf en cas d'épidémie ou de déplacements temporaires de la cour. Clément VII fit, entre 1385 et 1387, des travaux d'entretien et replantera le vignoble ; Benoît XIII s'y installa et fit effectuer quelques restaurations en 1396. Après le retour de la papauté à Rome, le château fut progressivement négligé par les évêques d'Avignon et tomba en déshérence, puis reprit une importance stratégique pendant les guerres de religion : en 1562 Jean-Perrin Parpaille tenta de le prendre mais fut repoussé, les huguenots s'en emparèrent en juillet 1562 et le baron des Adrets incendia une partie du château en mars 1563. Après ces événements il ne resta que le donjon et un grand pan de mur ; des réparations eurent lieu en 1578 et des capitaines perpétuels furent nommés à la fin du XVIe et au XVIIe siècle. Des ordonnances archiépiscopales protégèrent le vignoble et Hyacinthe Libelli fit réaménager et embellir le château en 1681. Au XVIIIe siècle le bâtiment fut loué et les vins de la région suscitèrent des débats gustatifs liés à la présence de vignes de muscat sur le terroir. Après la Révolution, le domaine fut vendu aux enchères en 1798 puis morcelé, entraînant le démontage et le pillage de nombreuses pierres. Au XIXe siècle le rez-de-chaussée du donjon servit de stockage sous condition d'ouverture aux visiteurs ; en 1892 la ruine fut rétrocédée à l'État et classée monument historique. Pendant la Seconde Guerre mondiale la garnison allemande utilisa le donjon comme dépôt d'armes et poste d'observation ; lors de leur retraite le 20 août 1944 des explosions détruisirent la partie nord du château. Seuls subsistèrent une face sud du donjon et le cellier ; la façade ouest, bien que déjà ruinée, laisse encore voir la disposition en trois étages. Une plaque rappelle la mort, en juin 1944, d'un jeune résistant des Francs-Tireurs Provençaux près du château. En 1960 la municipalité aménagea le cellier pontifical en salle de réception qui a conservé ses proportions d'origine et accueille notamment les cérémonies d'intronisation de l'Échansonnerie des papes ainsi que plusieurs manifestations liées au vin. Le château comprenait trois étages, un important corps de logis flanqué de quatre tours, trois grandes salles au rez-de-chaussée dont le cellier pontifical, une grande salle d'apparat au premier étage et des appartements privés au second. L'architecture relève du gothique rhodanien, synthèse entre l'art gothique septentrional et le roman méridional, datée de la période 1319-1326 et marquée par une nef unique couverte de voûtes sur croisées d'ogives. Introduit par des lapidaires du Languedoc, ce style privilégie l'unité de volume, le dépouillement mural, des fûts lisses et chapiteaux simplifiés, ainsi que des baies étroites adaptées au mistral et à la lumière. Les maîtres d'œuvre successifs furent Hugues de Patras, puis Raymond d'Ébrard à partir de 1319 ; en juillet 1322 Guillaume Coste prit la direction pour achever le gros œuvre et la mise en place de la charpente, commencée en 1333, fut dirigée par Pierre Gautier qui se procura du bois en Ligurie. Des campagnes de fouilles ont livré un important ensemble de carreaux vernissés provenant des ateliers de l'Uzège, proches par leur décor et leurs teintes des sols du palais des papes d'Avignon, et les registres de la Révérende Chambre apostolique mentionnent d'importantes commandes de carreaux au début du XIVe siècle. Ces découvertes, complétées par des recherches sur le terrain et des collectes auprès des habitants, ont permis de reconstituer l'homogénéité des pavements produits pour le pontificat de Jean XXII. L'enclos pontifical qui entourait la résidence d'été de Jean XXII, composé de vignes et d'oliviers et couvrant plusieurs hectares, est resté cultivé ; certaines parcelles, dont le Clos des Papes, appartiennent à des familles présentes à Châteauneuf depuis plusieurs générations.