Origine et histoire du Château de Compiègne
Ancien domaine de la Couronne, le palais de Compiègne a été profondément remanié à partir du milieu du XVIIIe siècle : la reconstruction décidée sous Louis XV s’appuie sur le projet d’Ange‑Jacques Gabriel de 1751, poursuivi par Louis Le Dreux de La Châtre et achevée à la fin du siècle. Des travaux complémentaires ont eu lieu sous Louis XVI, les aménagements intérieurs ont été riches sous le Premier Empire, puis le palais connut sa dernière grande période de faste au Second Empire, lorsque Napoléon III et l’impératrice Eugénie en firent leur résidence privilégiée ; à partir de 1873 il prend une vocation muséale. L’ensemble relève d’un classement au titre des monuments historiques et fait partie du Domaine national du château de Compiègne ; les parties intérieures ont été intégralement protégées par décret. Le parc et ses abords ont été dessinés par Gabriel et Le Dreux puis transformés par Louis‑Martin Berthault entre 1811 et 1817 ; le Petit Château du XVIIIe siècle et les grandes écuries, aujourd’hui haras national, complètent le domaine. Dès la fin du XVIIIe siècle, des installations hydrauliques destinées à alimenter le réservoir du palais ont été mises en place : une machine réalisée par l’ingénieur Cordelle en 1786 fut renouvelée en 1810, plusieurs solutions techniques ayant été envisagées avant que Berthault ne retienne la pompe à feu de Jean‑Constantin Périer ; un bâtiment annexe fut édifié au bord du canal de l’Oise pour un montant de 30 000 francs, et la machine fut remplacée en 1857 par une machine à vapeur Farcot.
Quatre palais se sont succédé à Compiègne : l’implantation la plus ancienne remonte aux Mérovingiens et fit de la ville un lieu fréquenté par les souverains et les assemblées, tandis que Charles II le Chauve y établit progressivement le siège de son pouvoir et fonda l’abbaye Saint‑Corneille, qui servit de chapelle palatine. Un château médiéval édifié à l’initiative de Charles V devint, après de nombreuses transformations et réparations, l’assise du palais moderne ; il fut fréquenté et remanié par les rois successifs, qui y entretenaient à la fois résidence et activités de cour.
Au XVIIIe siècle, l’insuffisance des volumes et l’hétérogénéité des bâtiments conduisirent à une reconstruction d’ensemble confiée d’abord à Gabriel puis à son élève Le Dreux : le parti pris restitue un grand style sobre et rationnel, adapté à l’irrégularité du terrain par un plan en partie triangulaire et par des jeux de terrasses et de niveaux qui rendent les différences de façades peu perceptibles. À l’intérieur, la distribution est claire, les grandes circulations sont doublées par des dessertees de service, et Le Dreux introduisit notamment un escalier droit à l’impériale à la place de l’escalier tournant primitivement prévu.
Sous le Premier Empire, sur ordre de Napoléon Ier et sous la direction de Berthault, le palais fit l’objet d’importants réaménagements intérieurs et décoratifs : une grande galerie de bal fut créée, le jardin fut replanté et ouvertes des relations avec la forêt, et l’ensemble du décor acquit la somptuosité et la cohérence aujourd’hui visibles, fondées sur des couleurs et des matériaux riches. Après de brèves occupations et réfections sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, Compiègne redevint un lieu de résidence active sous Napoléon III, qui y institua les célèbres « séries » d’automne, séjours de plusieurs semaines organisés en séries d’invités et marquant la vie de cour du Second Empire.
Le palais a ensuite connu des usages militaires et hospitaliers durant les deux guerres mondiales, des dommages importants après la Première Guerre mondiale, et la mise à l’abri puis le retour de ses collections autour de 1945 ; il a aussi accueilli des réunions internationales et demeure aujourd’hui un établissement du ministère de la Culture qui administre quatre musées.
Architecturalement, le château du XVIIIe siècle illustre la synthèse du grand style : façades sobres et rythmées, adaptation au site, clarté des circulations et richesse des décors intérieurs qui témoignent des phases successives d’aménagement depuis Louis XV jusqu’au Second Empire. Le décor primitif dédié à la chasse, mis en place sous Louis XV, a laissé des réemplois tandis que la période impériale a imposé un ensemble décoratif homogène et luxueux réalisé à partir de 1808.
Les appartements historiques offrent aujourd’hui une lecture des usages et des décors attribués aux souverains et à leur cour : salles d’apparat, appartements du roi et des empereurs, appartements de l’impératrice et résidences princières conservent boiseries, tapisseries, peintures et mobilier témoignant des différentes strates stylistiques. Le musée du Second Empire, installé dans les appartements des Maréchaux, le musée de l’Impératrice — qui rassemble des souvenirs personnels et officiels de la famille impériale — et le musée national de la Voiture et du Tourisme, qui présente une collection majeure de carrosses, cycles et automobiles anciennes, complètent la visite du palais.
Le petit parc, classé monument historique et labellisé « Jardin remarquable », mêle vestiges d’un projet à la française à des aménagements de goût anglais introduits par Berthault : terrasses, allées, kiosque, pavillon, orangerie, serre et glacière structurent l’espace, tandis que le berceau de l’impératrice et l’avenue des Beaux‑Monts, perspective longue de quatre kilomètres ouvrant la vue depuis le château, prolongent la composition paysagère.