Origine et histoire du Château de Condé
Plusieurs personnages illustres ont vécu au château de Condé, parmi lesquels des membres des maisons de Bourbon et de Savoie — dont Louis de Bourbon, premier prince de Condé, et Louis de Bourbon, comte de Soissons — ainsi que Thomas de Savoie, et Jean‑François Leriget, marquis de La Faye. Le domaine privé, habité toute l'année, se situe à Condé‑en‑Brie (Aisne), sur la route du Champagne, à 100 km à l'est de Paris. L'édifice est classé monument historique par arrêté du 18 octobre 1979. À la demande des Bourbon, des princes de Savoie puis du marquis de La Faye, des artistes prestigieux tels que Watteau et ses élèves Lancret, Pater et Bonaventure de Bar, Boucher ou Oudry réalisèrent les somptueux décors des XVIIe et XVIIIe siècles. Le château évoque des pans de l'histoire de France à travers des personnages comme les Condé, les Savoie, La Fontaine ou Richelieu, et conserve aussi la mémoire d'Olympe Mancini et de ses « poudres » mystérieuses. L'aile Watteau, avec des fresques découvertes récemment, la chambre de Richelieu, les appartements privés et le salon décoré par Oudry figurent parmi les principaux atouts du site.
Le toponyme Condé dérive du gaulois Condate, qui signifie « confluent », en référence à la proximité du confluent de la Dhuis et du Surmelin. Le site a été occupé depuis l'Antiquité et fut le théâtre, vers l'an 500, d'un combat entre Senones et Condruses ; d'importants vestiges antiques subsistent dans les fondations et pourraient appartenir à une villa gallo‑romaine. Le bienheureux Jean de Montmirail fut le premier seigneur connu ; son gendre Enguerrand III de Coucy fit édifier, vers 1200, le premier château digne de ce nom, dont témoignent encore des murs de deux mètres d'épaisseur et de larges archères. Par mariages et héritages, le domaine passa aux maisons de Bar puis de Luxembourg, puis, en 1487, à la maison de Bourbon par le mariage de Marie de Luxembourg avec François de Bourbon, comte de Vendôme.
Louis, appelé « Monsieur le Prince » et couramment prince de Condé, hérita des terres à la mort du cardinal de Bourbon‑Vendôme en 1556 et y mena une partie de son enfance ; sa première épouse, Éléonore de Roye, y éleva leurs enfants avant d'y mourir en 1564. Après l'assassinat du prince à Jarnac en 1569, la principauté demeura dans la maison de Bourbon jusqu'en 1624, année où elle passa aux Savoie par le mariage de Marie de Bourbon‑Condé avec Thomas de Savoie‑Carignan. Le cardinal de Bourbon‑Vendôme avait auparavant transformé le château des Coucy en vaste rendez‑vous de chasse de style Renaissance ; ses armes, surmontées du chapeau de cardinal, subsistent au fronton d'une porte et sur une cheminée.
Autrefois fermé autour d'une cour carrée et entouré d'enceintes qui rejoignaient la porterie à l'ouest et la capitainerie à l'est, le château conservait des prisons sous la capitainerie avec une lourde porte et des verrous impressionnants, ainsi qu'un réseau de souterrains reliant les bâtiments riverains. Après la confiscation des biens des Savoie en France par Louis XIV, le château fut mis sous séquestre et occupé militairement de 1711 à 1719, puis se trouva dans un état délabré lorsqu'il fut acquis par Jean‑François Leriget, marquis de La Faye.
La Faye, financier, homme de lettres et diplomate, administra la Compagnie des Indes, fut membre de l'Académie française et occupa des fonctions proches du pouvoir royal. Propriétaire de deux hôtels à Paris, il transforma Condé en résidence de plaisance au goût du XVIIIe siècle en faisant appel à l'architecte Servandoni, spécialiste du trompe‑l'œil et du décor de théâtre. Servandoni conserva trois bâtiments autour de la cour d'honneur, supprima la quatrième aile pour faire entrer le soleil, refit les toitures et tenta d'harmoniser la façade malgré l'épaisseur des murs médiévaux, qu'il camoufla par des fausses fenêtres peintes. Il remplaça l'escalier de pierre Renaissance par un vaste escalier d'honneur et décora le grand salon central de toiles peintes à la manière de décors de théâtre reproduisant des statues de Girardon et des scènes mythologiques inspirées du palais Farnèse.
Jean‑Baptiste Oudry réalisa pour un salon quatre tableaux représentant des retours de chasse et de pêche, tandis que Watteau et ses élèves — Pater, Lancret, Bonaventure de Bar — ainsi que Lemoyne et ses élèves contribuèrent à la décoration des autres pièces. Malgré les destructions de 1914, de nombreuses peintures sont restées en bon état ou ont été soigneusement restaurées par des ateliers reconnus. La décoration se poursuivit sous l'égide de son héritier Jean‑François II Leriget de La Faye, puis par la fille de celui‑ci, épouse du comte de la Tour du Pin Lachaux, qui conserva le château jusqu'en 1814, date à laquelle il passa, par héritage, à la comtesse de Sade.
Au XXe siècle, deux invasions successives affectèrent gravement le château : en 1914 il fut situé près du front de la Marne, pris et repris sous les obus, et entre 1940 et 1945 il fut occupé, bombardé et pillé, les œuvres de plus grande valeur n'étant sauvées qu'en dernière extrémité. La famille de Sade reprit possession en 1946 et entreprit une restauration importante, conduite en trois phases principales de 1946 à 1980, qui comprirent la reconstruction des portes et fenêtres, la réfection des toitures, la remise en état des pièces ouvertes à la visite, la remise en eau du château, puis la restauration des plafonds et des grands décors comme la salle Servandoni, la chambre de Richelieu et le salon des Oudry, ainsi que la restauration des toiles et tableaux. Une fois le gros œuvre achevé, la famille ouvrit le château au public et organisa concerts — avec des interprètes tels que Régis Chenut, Aimée Van de Wiele, Jean‑Philippe Collard, le Trio Fontanarosa ou Maurice André —, le tournage du film Jean de La Fontaine en juin 1977, des rallyes, des compétitions de montgolfière et plusieurs expositions, notamment d'art sacré.
Les Sade le possédèrent jusqu'en 1983 ; le nouveau propriétaire, Alain Pasté (ou Paté) de Rochefort, poursuivit les travaux jusqu'à sa disparition accidentelle en 1993, après quoi son épouse et ses enfants ont continué la restauration dans un esprit de continuité. Aujourd'hui, parmi les espaces remarquables se trouvent la salle décorée par Servandoni, le salon peint par Jean‑Baptiste Oudry, la chambre du cardinal de Richelieu, la chambre d'Olympe Mancini, la chambre du Musicien dans l'aile Watteau, l'escalier d'honneur et la cour d'honneur.