Période
2e moitié XVe siècle, 1ère moitié XVIIe siècle
Patrimoine classé
Le château, en totalité ; les façades et toitures des communs, ainsi que les deux cheminées du commun est ; la cour ; l'assiette du jardin et ses murs de clôture ; la porterie et sa tourelle ; les deux pavillons d'angle du jardin (cad. A 551, 556, 557, lieudit le Château de Crosville, 228, 229, lieudit le Jardin) : classement par arrêté du 6 décembre 2000
Origine et histoire du Château de Crosville-sur-Douve
L'histoire du château de Crosville est connue à partir de la seconde moitié du XVe siècle, époque à laquelle furent édifiés le donjon et la double porte de la cour, ce qui laisse penser que le manoir ne fut fortifié qu'à ce moment. Un premier logis aurait existé sur le site dès le XIe siècle comme poste avancé de la forteresse de Saint-Sauveur-le-Vicomte, mais il n'en subsiste aucun vestige. Selon la tradition familiale, Raoul Boudet aurait accompagné Guillaume en 1066 et son fils Raoul II aurait participé à la croisade de 1096 ; en tout cas les Boudet résidèrent au château jusqu'en 1742. Après des confiscations liées à la révolte de 1354, Jean II Boudet se rallia au roi et la seigneurie fut restituée en 1365 sous le nom de Crosville ; c'est probablement à lui ou à ses descendants que l'on doit les parties les plus anciennes du manoir, comme le donjon, la tour d'angle et la porterie. À la fin du règne d'Henri IV et sous Louis XIII, la famille Boudet s'éleva dans la noblesse locale et fit entreprendre la construction ou la reconstruction de la plus grande partie du château, notamment le logis principal. Le corps de logis actuel fut édifié au XVIIe siècle, sans doute sous l'impulsion de Jean V Boudet de Crosville, chambellan du prince de Condé, puis poursuivi par son fils Jean VI. Le château illustre une architecture provinciale mêlant éléments gothiques, Renaissance et classiques ; la grande salle du premier étage conserve un décor peint inspiré des Métamorphoses d'Ovide. Plusieurs éléments d'origine ont été préservés, parmi lesquels l'escalier monumental en granit à double volée, des cheminées, des pavages, des plafonds et l'assiette du jardin clos avec ses murs de clôture. Au XVIIIe siècle, Jean-Baptiste de Crosville, nommé président de la Chambre des comptes du Parlement de Normandie et seigneur des lieux, délaissa le château ; à sa mort en 1742 sans héritier mâle, sa sœur Marie-Madeleine reçut la seigneurie et, par la suite, la propriété changea de mains. Le domaine devint alors essentiellement agricole : le logis fut transformé en greniers et autres bâtiments agricoles et le château demeura inhabité pendant une longue période. Pendant la Seconde Guerre mondiale, une rampe de lancement de V1 fut construite derrière le pignon est ; elle employa notamment des prisonniers russes et des civils, dont beaucoup moururent du typhus, et n'était pas achevée à l'arrivée des Américains. En 1979, confronté à un avis d'expropriation, le marquis de la Chapelle-Crosville mit le bien en vente ; en 1984 le domaine fut acquis par la famille Lefol, qui l'exploitait depuis plusieurs décennies, et l'acte fut signé au printemps suivant. Après un nettoyage sommaire et des réparations initiales, le château fut ouvert au public dès l'été suivant et accueillit 800 visiteurs ; plusieurs prix et subventions obtenus entre 1986 et 1988 permirent de lancer des travaux de restauration. Les réparations importantes se poursuivirent pendant les années suivantes : en six ans la charpente fut refaite à 70 % et une toiture neuve posée, puis les gros travaux se poursuivirent jusqu'en 2002 ; l'intérieur reste encore à rénover.