Origine et histoire du Château de Gençay
Le château de Gençay, dit de Du Guesclin, se dresse dans la commune de Gençay, dans la Vienne. Il a connu au moins trois états successifs.
Le premier château, appelé « castrum Gentiacum » par le chroniqueur Adémar de Chabannes, est attesté vers 993 sans que sa date de construction soit précisée. Il a vraisemblablement été édifié pour protéger les populations contre les invasions et contrôler la voie reliant le comté de Poitiers aux comtés de Charroux et de Périgueux. Pris et démantelé en 993 par Boson II et Audebert Ier, il fut repris et fortifié peu après par Guillaume le Grand, qui y plaça une garnison ; un siège en 997 s’acheva par la mort d’Audebert et l’abandon de l’attaque. Le château fut incendié autour de 1025 et, à partir du XIe siècle, la seigneurie passa aux Rancon, Aimeri IV de Rancon étant mentionné comme seigneur de Gençay et de Taillebourg vers 1091.
Au XIIe siècle, la tour de Montcabré formait le noyau du château tandis que Geoffroy II de Rancon résidait à Taillebourg et confiait la défense de Gençay à un capitaine. La ville était administrée par un sénéchal. Les révoltes des seigneurs du Poitou contre Henri II Plantagenêt marquèrent cette période : en 1179, Richard Cœur de Lion, maître de Taillebourg, fit livrer et démanteler la tour de Montcabré, qui ne fut jamais rétablie et tomba en ruine. Ces conflits régionaux sont aussi considérés comme l’un des éléments précurseurs des affrontements entre Capétiens et Plantagenêts.
Le troisième château, reconstruit aux XIIIe et XIVe siècles et souvent nommé château de Du Guesclin, doit sa reconstruction au soutien reçu par Geoffroy V de Rancon, récompensé pour sa fidélité au roi de France et aidé par la dot de son mariage en 1250. La seigneurie passa ensuite aux L'Isle-Bouchard ; après la bataille de Poitiers en 1356 et la capture des seigneurs locaux, le prince de Galles remit la châtellenie à Adam Chel, appelé aussi Gregory Sais, qui occupa Gençay pendant dix-neuf ans, le fortifia et participa à des pillages dans la région. Jean II le Bon fut même retenu prisonnier au château après la bataille de Nouillé-Maupertuis.
En 1373, le prince Jean de Berry assiégea la place; après un blocus, les Anglais se rendirent en 1375 lors de négociations impliquant Du Guesclin et le duc de Berry, et le roi Charles V confisqua ensuite les domaines de Morthemer et de Gençay pour les attribuer au duc. Par mariage, Georges de la Trémoille devint seigneur de Gençay en 1427 et sa famille en resta propriétaire jusqu’en 1599. Un inventaire de 1484 mentionne deux canons, six couleuvrines et six arbalètes, et le château fut brièvement pris par les troupes protestantes de l’amiral Coligny en 1569. Héritier au XVIIe siècle, Jean VIII de Bueil trouva le château encore en état et armé d’un canon, mais la mise en priorité des défenses royales sur les côtes affaiblit progressivement l’importance stratégique de la place.
La baronnie puis la vicomté changèrent plusieurs fois de mains aux XVIIe et XVIIIe siècles, et le domaine survécut aux pillages de la Révolution française. À partir de 1814, de nouveaux propriétaires entamèrent sa ruine et l’emploi du site comme carrière de pierres commença vers 1820. La classification comme monument historique par Prosper Mérimée en 1840 mit fin à l’exploitation, sans mener à une restauration complète ; des campagnes de fouilles et de restauration menées à partir de 1969 (1969-1975, 1991) ont permis d’enrayer la dégradation et d’étudier le site.
Le château occupe une plate-forme rocheuse triangulaire entourée d’un large fossé sec, au confluent de la Belle et de la Clouère, emplacement stratégique adapté à une forteresse médiévale. L’ensemble suit la forme du plateau et présente trois courtines élevées avec, à chaque angle, une tour circulaire ; la conception privilégiait la défense : châtelet d’entrée, courtines et tours exploitent les qualités naturelles du terrain pour rendre la place difficile à prendre. Le châtelet, à l’extrémité nord de la courtine orientale, mesurait à l’origine 45 mètres de longueur et 16 à 18 mètres de hauteur et comportait quatre tours circulaires, dont deux grandes en fer à cheval et deux plus petites avancées près du fossé ; seule subsiste aujourd’hui la tour sud. Les deux entrées étaient protégées par une herse, des vantaux, sans doute un assommoir et une vingtaine d’archères en étrier triangulaire ; les fouilles ont mis au jour les piles d’un pont dormant, ce qui laisse supposer l’existence d’un pont-levis.
À l’extrémité sud, la tour de la basse-fosse, haute de 24 mètres pour 9,80 mètres de diamètre, comprend quatre niveaux ; le premier renferme la prison seigneuriale, une salle carrée à faible éclairage et dotée de latrines, le rez-de-chaussée de plan hexagonal possède cinq archères et une ouverture centrale permettant de descendre les prisonniers dans la basse-fosse, et le troisième niveau reproduit ce plan avec quatre archères, une cheminée ruinée et une latrine; il ne reste rien du quatrième niveau ni de l’escalier de desserte. La courtine sud, longue de 53 mètres et haute de 20 à 23 mètres, relie la tour de la basse-fosse à la tour du Moulin; son centre était flanqué d’une tour demi-cylindrique aujourd’hui disparue, elle comportait un escalier droit donnant accès à un chemin de ronde disparu, trois archères voûtées en plein cintre et une baie géminée avec corbeaux de hourdage, et son flanc ouest abrite un second accès piétonnier constitué d’un long couloir de 24 mètres protégé par cinq archères et trois portes.
La tour du Moulin, à la pointe ouest, s’élève à 23 mètres pour 9 mètres de diamètre et comprend trois niveaux ; la salle circulaire du rez-de-chaussée, à vocation défensive, est munie de quatre archères et d’une voûte angevine à six nervures décoratives, le premier étage, d’usage résidentiel, possède une cheminée, une latrine et trois archères, tandis que l’étage sommital et l’escalier à vis sont détruits. La courtine nord, la plus endommagée, reliait la tour du Moulin à une tour d’angle disparue au nord-est et était elle aussi flanquée d’une tour demi-cylindrique aujourd’hui disparue ; au niveau de la cour, deux archères voûtées en plein cintre encadrent une poterne. La vaste cour intérieure contenait des bâtiments résidentiels et des structures domestiques — cuisines, puits, celliers, écuries et étables — adossés à la courtine orientale et à l’ouest, près de la tour du Moulin ; il ne subsiste de ces constructions, souvent en matériaux périssables, que des fondations et quelques arases.