Origine et histoire du Château de Gonneville
Le château de Gonneville est un ancien château fort de la commune de Gonneville, dans le département de la Manche, partiellement inscrit au titre des monuments historiques. Il s’élève dans le creux d’un vallon boisé, à l’ouest de l’église Saint‑Martin, au cœur du village dit de l’Église, dans la commune nouvelle de Gonneville‑Le Theil. Daté des débuts du XIVe siècle, l’édifice a été reconstruit aux XVIe et XVIIe siècles puis remanié au XIXe siècle. Le nom de Gonneville est attribué, selon la tradition, à un Viking nommé Gunulf et le lieu formait le centre de la seigneurie relevant de la baronnie de Néhou. La seigneurie est attestée dès le début du Xe siècle par une donation de Richard de Saint‑Sauveur à son fils Néel ; Néel II perdit plus tard la baronnie au profit du duc Guillaume le Bâtard qui la donna à Baudoin, comte de Meules, dont la descendance porta ensuite les titres de Reviers et de Vernon. Aux XIIe et XIIIe siècles la famille de Reviers‑Vernon détenait le château ; Jean sans Terre y séjourna à plusieurs reprises en 1194 et en 1203 avant de quitter définitivement la Normandie. Aucun vestige de cette première forteresse n’est visible aujourd’hui. Un nouveau château fut élevé au début du XIVe siècle par Richard de Courcy ; subsistent du château de cette époque deux tours datées de 1331, un donjon carré du XIVe siècle et la poterne d’entrée. Par alliances la seigneurie passa aux Malesmains puis à la famille de Rohan qui la conserva pendant plusieurs générations. Pendant la guerre de Cent Ans, alors que la Normandie était occupée, Robert de Montauban abandonna le château et ses biens furent attribués à un chevalier anglais avant d’être rendus à sa famille après 1450. Au début du XVIe siècle la seigneurie eut plusieurs propriétaires, Catherine de Rohan la vendit en 1527 à Jean de la Guette dont les biens furent saisis en 1555 ; sa femme Marie Saligot échangea ensuite la châtellenie et devint propriétaire. En 1559 Marie Saligot donna la seigneurie à Olivier de Pirou et la famille de Pirou fit édifier, dans la seconde moitié du XVIe siècle, le corps principal du château et la poterne. Jean de Pirou, fidèle au roi pendant les guerres de Religion, vit son château assiégé sans succès par les Ligueurs ; François de La Cour, chef des assiégeants, fut tué en décembre 1592. Charlotte de Pirou, héritière, apporta le château aux Jallot de Beaumont par son mariage et Charles Jallot poursuivit la remise en état ainsi que l’édification des communs bordant l’avant‑cour. La seigneurie passa ensuite aux du Mesnil‑Eury qui firent élever le marquisat et aménagèrent la façade est du vestibule en 1727, puis par héritage aux de Berruyer au XVIIIe siècle ; Jean‑Nicolas de Berruyer émigra en 1792, les biens furent déclarés nationaux et dispersés, et les grilles et la rampe furent transformées en piques. En 1794 l’entrepreneur Antoine Daumas s’installa après achat mais fit faillite ; en 1814 le tribunal rendit le château aux deux filles de l’ancien châtelain qui le revendirent en 1842 à Mme Lambert, laquelle détruisit une partie de l’enceinte en 1846 en cherchant un trésor. En 1849 la propriété fut acquise par Mme Doynel de La Sausserie, marquise de Chivré, dont le mari fit restaurer les destructions ; la famille de Chivré conserva le château jusqu’en 1954, date à laquelle les demoiselles de Chivré le cédèrent en viager au baron Nadalh de Barthes de Montfort et à son épouse Régine d’Elbée, qui entreprirent des travaux de restauration et de modernisation et s’installèrent définitivement en 1983. La chapelle Saint‑Jean du château était desservie par le curé de Gonneville qui percevait pour ce service des offrandes et des rentes comparables à celles de sa cure. Le château présente un plan en vaste quadrilatère ceinturé de douves encore en eau ; il est précédé d’une avant‑cour bordée de communs datés de 1641, à rez‑de‑chaussée surmonté d’un grenier et pourvus de lucarnes ovales. Du château médiéval subsiste le donjon carré crénelé haut de 17 mètres, pourvu de mâchicoulis et d’une échauguette en encorbellement du XVIIe siècle abritant un escalier, ainsi que deux tours cylindriques partiellement arasées dans le parc. L’accès se fait par un châtelet des XIVe et XVIe siècles, anciennement muni d’un pont‑levis ; le corps de logis du XVIIIe siècle est flanqué de deux tours d’angle et l’entrée se signale par un pavillon à porche, colonnes et fronton triangulaire. Des destructions opérées au XIXe siècle ont entraîné la disparition de courtines, mais sur la façade ouest figurent encore les armes des Jallot et des Bellefonds, ainsi que les armes des Pirou sur le linteau du donjon et à l’intérieur du logis. Dans la cuisine se trouve un potager central à onze feux du milieu du XIXe siècle transformé en radiateur, une cheminée gothique et une porte intérieure en calcaire de la fin du XVIe siècle de style gothique. Les façades et toitures du château, y compris les deux pavillons d’angle et les restes de l’ancien château (poterne, donjon, cinq tours), ainsi que les façades et toitures des communs, la boulangerie, le fruitier et les douves avec leur pont, sont inscrits au titre des monuments historiques par arrêté du 27 septembre 1972. Depuis sa fondation le domaine a appartenu à de nombreuses familles — trente‑cinq propriétaires issus de dix‑sept familles — parmi lesquelles figurent notamment les Saint‑Sauveur, Reviers‑Vernon, Courcy, Malesmains, Rohan, Montauban, Pirou, Jallot, Mesnil‑Eury, de Berruyer et de Chivré. En 1940 Mme de Chivré, voyant le château réquisitionné, jeta l’argenterie dans les douves ; en 1996 on y découvrit trente‑huit pièces du Second Empire et, en 1997, une équipe de tournage retrouva un couvercle de soupière en argent gravé aux armes familiales, une dague et une médaille. Le château a servi de décor au tournage de L’affaire Kergalen réalisé par Laurent Jaoui durant l’été 2000. Les anciens communs ont été aménagés en gîtes et une partie du château et du parc peut accueillir des réceptions ; des visites sont possibles pendant l’été.