Origine et histoire du Château de Grand'maisons
Le château de Grand'Maison, édifice du XVIIIe siècle situé à Villepreux, près de Versailles, se trouve dans le domaine de Grand'Maisons. Propriété de la famille Bertin de Veaux et de ses descendants depuis le début du XIXe siècle, ses salons constituaient jusqu'en novembre 2016 un des rares exemples conservés des grands salons des époques Empire et Restauration.
Un manoir, peut‑être construit à la fin du XVIe siècle, a été détruit ; l'orangerie, établie vers 1720, incorpore des matériaux de ce manoir. En 1598 Thomas de Francini, fontainier d'Henri IV, s'installe à Villepreux et acquiert le domaine de Grand'Maisons. Le domaine passe ensuite à son fils François — qui collabore avec Le Nôtre à Versailles — puis à Pierre François de Francini. À l'issue d'échanges fonciers liés à la création de la « plaine de Versailles », Pierre François retrouve la seigneurie de Villepreux en 1706, élevée en comté l'année suivante.
À sa mort en 1720, son fils François Henri entreprend la transformation de l'hôtel de Grand'Maisons en château ; les travaux débutent en 1720 mais restent inachevés jusqu'au XIXe siècle. Ruiné, Honoré de Francini cède la seigneurie au roi Louis XVI en 1768. Le château passe ensuite au domaine de la couronne en 1776 puis, en 1779, à François Heurtier, dans le cadre d'une opération juridique liée à la vente des matériaux de démolition décidée par la couronne ; cette pratique conduisait parfois l'acheteur à devenir propriétaire d'un château tout en conservant des terres domaniales. Heurtier loue puis rachète le parc, siège comme conseiller municipal et porte les cahiers de doléances en 1789 ; il reste propriétaire jusqu'en 1802, quand il cède le domaine à Pierre Jacques Dubois‑Desmeures.
La ferme de Grand'Maisons demeure domaine royal jusqu'en 1797, puis passe successivement à Pierre Elie Heny puis, en 1798, à Louis Michel Bocquet. Sa fille Augustine épouse alors le journaliste Louis François Bertin de Veaux, période pendant laquelle commence la constitution d'une collection d'œuvres et de livres. Après la mort de Bocquet en 1807 et le remariage de sa veuve avec Thomas Jean Baptiste Merlin, le château est vendu aux enchères en 1811 à Merlin, qui réunit ainsi la ferme et le château, séparés depuis 1779.
À la mort de madame Merlin en 1816, sa fille Augustine devient propriétaire de la ferme, puis hérite du château en 1826 : elle achève la construction en terminant l'aile est, de sorte que les travaux s'achèvent au cours du deuxième quart du XIXe siècle. Louis François Bertin de Veaux y rassemble une importante bibliothèque et le château reçoit au XIXe siècle de grands noms du monde romantique, parmi lesquels Chateaubriand, Berlioz, Gounod, Corot, Renan, Taine et Sainte‑Beuve. À la mort d'Augustine en 1848, le domaine passe à son fils, le général Auguste Bertin de Veaux ; le château subit des dommages pendant la guerre de 1870.
Après le décès du général en 1879, sa fille Louise, épouse du comte Alphonse Gérard de Rayneval, enrichit le château des collections familiales, entreprend des travaux à la ferme et recompose les terres du domaine. À sa mort en 1909, le domaine revient à son petit‑fils Thibault Le Gouz de Saint Seine, qui le gère durant les deux guerres mondiales avec son gendre Roland. Thibault meurt en 1949 ; sa fille Simone occupe alors le château et installe son fils Luc à la ferme en 1972.
Par arrêté du 9 juillet 1970, le château est partiellement inscrit au titre des monuments historiques pour ses façades, ses toitures, le petit salon et le grand salon bleu. Les propriétaires ouvrent ensuite le château à des visites et à l'hébergement, mais la charge de conservation restant lourde conduit, après la mort de Luc Le Gouz de Saint Seine en 2012, à la vente des collections en novembre 2016, malgré l'inquiétude du monde artistique.
Au fil du XIXe siècle, la famille Bertin de Veaux et ses descendants a constitué des collections représentatives de la vie culturelle de l'époque : une bibliothèque d'environ 2 500 volumes rassemblée par Louis François Bertin de Veaux, avec des reliures signées Bozerian, Simier, Bauzonnet et Thouvenin ; des portraits familiaux par Girodet, Drolling, Delécluze, Lehmann, Ingres et Laneuville ; des peintures de Pierre‑Henri de Valenciennes et Gabriel Revel ; des statues de Pietro Tenerani ; et du mobilier d'ébénistes comme Bernard Molitor et Jacob‑Desmalter. Les œuvres de l'ancienne collection, dispersées en novembre 2016, ont rapporté près de quatre millions d'euros et comprennent des pièces remarquables, dont une statue de Psyché de Tenerani ayant atteint un record mondial, ainsi que plusieurs portraits — notamment des œuvres de Girodet et un portrait de Louis‑François Bertin — dont certains ont été préemptés par la Maison de Chateaubriand.