Origine et histoire du Château de Gratot
L'ancien château de Gratot, situé derrière l'église Notre-Dame sur la commune de Gratot, dans le Cotentin (Manche, Normandie), présente des vestiges datés du XIIIe au XVIIIe siècle. Exemple de l'architecture du XVe siècle, il se dresse au centre d'une enceinte quadrangulaire entourée de larges douves alimentées par la « fontaine à la Fée ». Deux tours subsistent de l'édifice primitif : une tour octogonale dite « tour à la Fée » qui, par des encorbellements, passe à un plan carré sommital, et une tour de plan circulaire, accolée à la façade principale, qui abrite l'escalier d'accès aux étages. Ces deux tours ont été réunies au XVIIe siècle par un bâtiment élevé vraisemblablement sur les fondations de l'ancien château. Près de l'entrée se dresse en outre une tour isolée, qui remonte au XIIIe siècle.
Le logis seigneurial, formé aux XVe et XVIIe siècles entre la tour ronde et la tour à la Fée, comportait à l'origine trois étages et une quinzaine de pièces ; son rez-de-chaussée est percé de larges fenêtres et le premier étage de lucarnes en plein cintre. La tour ronde, datée du XVe siècle, conserve un aspect médiéval et est surmontée d'une tourelle de guet. La tour à la Fée, de base octogonale et coiffée d'un toit en bâtière, est soutenue au sommet par quatre trompes et décorée de balustrades et de gargouilles. Des caves situées au pied de la tour ronde présentent des voûtes en arc surbaissé pour deux d'entre elles et une voûte d'arêtes reposant sur un pilier central pour la troisième.
L'accès à la cour se faisait par une poterne équipée d'une porte piétonne et d'une porte charretière, chacune pourvue d'un pont-levis dont les rainures sont encore visibles ; à l'ouest, une tour d'angle, ancienne entrée du château, comporte une porte murée. Un petit pont à quatre arches franchissait les douves pour donner accès au jardin à la française qui s'étendait à l'arrière du château. Les communs, deux bâtiments rectangulaires du XVIe siècle encadrant la poterne, ont été conservés ; l'un abrite une exposition permanente sur l'histoire du site et ils servent encore pour des manifestations culturelles.
L'occupation humaine du site remonte à l'époque médiévale : la famille de Gratot est connue dès le XIe siècle et, après des épisodes de confiscation et de transferts, le château passe en 1251 dans les mains de la famille d'Argouges par mariage. Les d'Argouges conservent Gratot jusqu'en 1771, avec quelques interruptions, et c'est cette famille qui fait édifier et transformer le château à la fin du Moyen Âge et au XVIIe siècle ; la seigneurie est élevée au rang de marquisat au XVIIe siècle. Le dernier marquis d'Argouges occupant Gratot, Jean-Antoine d'Argouges, est décédé en 1777 ; le château change ensuite de mains à plusieurs reprises et est finalement abandonné au XIXe siècle, puis totalement déserté au début du XXe siècle.
Après diverses ventes, le domaine appartient à M. Lemerre qui le revend en 1918 ; en 1924 le fermier Jean Tiphaigne achète le domaine et entretient les toitures des communs. En 1968, son petit-fils Jean-Pierre Tiphaigne organise un premier chantier de bénévoles pour dégager les ruines et crée le Centre d'animation du château de Gratot qui assure depuis la restauration et l'animation du site. Un inventaire notarié de la fin du XVIIIe siècle décrit alors le château comme richement décoré, pourvu de réserves alimentaires et d'une quinzaine de serviteurs, et doté d'un jardin à la française de 13 000 m2. Selon une croyance locale, un souterrain relierait le château à l'ermitage Saint-Gerbold, distant d'environ un kilomètre à vol d'oiseau.
Les ruines, ainsi que les façades et toitures des communs, la poterne d'entrée et les douves sont classées au titre des monuments historiques par arrêté du 4 août 1970. La légende rapporte qu'une fée, nommée Andaine, quitta le château en laissant l'empreinte de sa main après qu'on lui eût fait prononcer le mot « mort ».