Origine et histoire du Château de la Punta
Le château de la Punta, situé à Alata (Corse‑du‑Sud), a été construit à la fin du XIXe siècle et a fortement souffert depuis l'incendie de 1978. Il a été édifié entre 1883 et 1891 par Jérôme, duc Pozzo di Borgo, et son fils Charles pour perpétuer en Corse le souvenir familial, à partir de matériaux provenant du palais des Tuileries incendié lors de la Commune. Après la mise en vente des ruines, un important lot de pierres sculptées fut acheté puis photographié et numéroté afin de permettre leur reconstitution. L'architecte Albert‑Franklin Vincent établit les plans, supervisa le démontage et la mise en caisses des éléments, qui furent transportés par chemin de fer jusqu'à Marseille, puis par bateau à Ajaccio. Le transport des matériaux jusqu'au site nécessita le creusement, dans le roc, d'une route d'environ sept kilomètres. Le pavillon reconstruit reprend des éléments Renaissance du palais des Tuileries : la façade nord s'inspire du « pavillon Bullant » et la façade sud intègre des parties attribuées à Philibert Delorme. Sur la façade sud, au‑dessus des caves et du sous‑sol, le rez‑de‑chaussée est rythmé par huit colonnes ioniques séparant des baies, surmontées d'un entablement ionique sculpté ; le second étage est décoré de huit colonnes corinthiennes et l'ensemble se termine par une corniche corinthienne. Ces colonnes, leurs chapiteaux, l'entablement et la corniche proviennent des Tuileries. Sur la façade nord, deux colonnes ioniques provenant du pavillon de l'Horloge encadrent la porte d'entrée ; selon la tradition, elles auraient été sculptées par Jean Goujon. L'entablement se poursuit sur les façades est et ouest, ornées de pilastres, ce qui donne à chaque face une physionomie différente et offre une illustration variée de l'ancien palais plutôt qu'une copie exacte. Parmi les éléments récupérés figurent le groupe sculpté Les Quatre saisons provenant de l'escalier d'honneur de l'Hôtel de Ville de Paris et la grille du parc issue du château de Saint‑Cloud. Une plaque de marbre rouge rappelle que Jérôme, duc Pozzo di Borgo, et son fils Charles firent construire l'édifice avec des pierres des Tuileries « pour conserver à la Patrie Corse un précieux souvenir de la Patrie française » et porte la date 1891. Implanté à 600 mètres d'altitude, le château bénéficie d'un panorama spectaculaire mais exposé aux vents ; son isolement a longtemps limité son usage à un musée familial, avec une fréquentation renouvelée dans les années 1970. L'air marin chargé de sel a néanmoins commencé à détériorer la pierre. Le 7 août 1978, un incendie du maquis détruisit la charpente et la toiture, provoquant la fermeture du château ; lors de cet incendie, un sapeur, Patrick Amico, trouva la mort et une stèle commémore son souvenir à Alata. En 1991, le conseil général de la Corse‑du‑Sud acquit le château et son parc de quarante hectares pour dix millions de francs ; le mobilier fut transféré à Paris et au musée Fesch d'Ajaccio. Des travaux menés en 1996 remplacèrent la charpente en bois par une charpente métallique, masquèrent des poteaux de lucarnes par des fermetures en plexiglas et reposèrent une nouvelle toiture. Cependant, la longue exposition aux intempéries pendant la période sans couverture, le climat méditerranéen et le temps ont entraîné une importante dégradation nécessitant de lourds travaux de réhabilitation. La grande terrasse fut inscrite à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques le 27 juillet 1970, puis les façades, le vestibule, l'escalier, le petit salon, le grand salon, la salle à manger et la bibliothèque furent classés monument historique le 7 février 1977. Plusieurs projets de reconversion ont été envisagés — hôtel, salle de spectacle, musée — et la collectivité de Corse, désormais propriétaire, envisage la création d'un jardin botanique sur les terres attenantes, en tenant compte de l'histoire et du contexte naturel du site. Jusqu'aux ventes mobilières du dernier propriétaire, l'intérieur offrait un témoignage du goût historiciste de la fin du XIXe siècle : le grand salon de style Renaissance présentait la copie d'un plafond à caissons et une frise ainsi qu'un médaillon central d'inspiration de Jean Goujon, la cheminée en pierre et marbre attribuée à Germain Pilon provenait du château de Villeroy, tandis que lambris et portes s'inspiraient d'Écouen et que des soieries lyonnaises reproduisaient des modèles du XVIe siècle. La salle à manger recevait un manteau de cheminée orné d'un bas‑relief équestre représentant Paul‑Émile Pozzo di Borgo, entouré de tapisseries anciennes, et des photographies documentent un salon Louis‑XV, des portraits et une bibliothèque de style Empire contenant le mobilier du cabinet de travail parisien de Charles‑André Pozzo di Borgo, avec notamment une paire de vases de Saint‑Pétersbourg et des portraits du tsar Alexandre Ier et du duc de Richelieu. Ces éléments décoratifs et mobiliers, qui illustraient les liaisons familiales et diplomatiques, ont en grande partie disparu lors des dispersions. Les services de la collectivité travaillent à un projet de restauration qui respecte la spécificité du lieu, son histoire et son écrin naturel.