Origine et histoire du Château de Montmort
Le château de Montmort, situé à Montmort-Lucy (Marne) sur la route du Champagne, est une propriété privée non ouverte aux visites. Mentionné dès le XIe siècle, il a été reconstruit à l'époque de la Renaissance ; les bâtiments visibles datent majoritairement du XVIe siècle. Le « château bas » conserve un décor de baies à meneaux typique de la première Renaissance ; deux de ses tours, arasées, étaient destinées à recevoir des canons, et deux ailes ont été supprimées au XIXe siècle. Le « château haut », achevé en 1577, associe un modèle ancien — un donjon carré cantonné de tours circulaires — à une innovation défensive : des tours en forme de bastion protégeant la terrasse. Le rez-de-chaussée comprend des pièces voûtées sur nervures d'ogives, tandis que la salle des Gardes, de style plus tardif, est un chef-d'œuvre du XVIIe siècle. Aux étages, le grand salon conserve des lambris dans lesquels le graveur et décorateur de théâtre Cicéri fit installer en 1851 des toiles peintes inspirées des gravures de Sébastien Bourdon. Le châtelet d'entrée, avec ses tourelles en brique, est un ajout du XIXe siècle. Autour du château s'étendent un parc entretenu et un potager, accessibles par un pont en trois arches qui enjambe les fossés et mène au pont-levis. La silhouette en briques et toits d'ardoise domine le village, apparue d'un seul coup au-dessus de Montmort ; Victor Hugo parlait d'un « ravissant tohu-bohu de tourelles de girouettes, de pignons, de lucarnes et de cheminées ».
Au Moyen Âge, la forteresse fut successivement habitée par plusieurs seigneurs ; le premier seigneur connu, Germond de Montmort, figure dans une charte des comtes de Champagne en 1042. Le domaine passa aux du Fay, puis à la famille de Hangest en 1499 ; Jeanne de Hangest joua un rôle décisif dans la reconstruction du château, achevée en 1577, et un monogramme formé des lettres J et C apparaît à plusieurs endroits. Par mariages et successions, la seigneurie passa ensuite dans les maisons de Créquy et de Béthune-Sully. Pierre Remond acquit le domaine en 1704 ; sa famille, élevée au marquisat, en conserva la propriété pendant plus de trois siècles. La lignée des Remond s'éteignit dans les mâles à la fin du XIXe siècle ; la famille Crombez de Montmort, descendante directe, occupa le château jusqu'en 2022, année de la première vente après 318 années de résidence continue.
Le château a souffert des troubles révolutionnaires et des conflits proches, notamment la campagne de France de 1814, puis des occupations et saccages lors des deux guerres mondiales ; d'importantes campagnes de consolidation et de restauration, notamment une réfection des toitures menée par Raymond Crombez au début du XXe siècle, ont permis sa survie, faisant de Montmort un « miraculé » du patrimoine champenois.
Le site s'organise en trois ensembles superposés dont les éléments les plus anciens remontent au XIIe siècle : une poterne donne accès à une basse-cour entourée de remparts et de tours remaniées aux XVe et XVIe siècles, au centre de laquelle s'élève une chemise quadrangulaire du XVIe siècle complétée à chaque angle par des tours-bastions. L'une de ces tours-bastions renferme une rampe hélicoïdale permettant aux cavaliers de monter de la basse-cour au château sans desseller. Perchée sur une terrasse située 14 mètres au-dessus de la basse-cour, la demeure de style Renaissance présente de nombreuses ouvertures encadrées de pierre blanche ; la porte principale, ouvrant sur le vestibule et l'escalier principal, est un exemple remarquable de la Renaissance française et conserve son battant d'origine en bois ferronné. Parmi les éléments d'intérêt figurent la salle des Gardes, le plafond du « cabinet de Sully », la « salle du gros pilier », la tour d'accès hélicoïdale, le pont-levis, ainsi que des œuvres et représentations associées au lieu, comme un portrait de Louis-Jean et Armand de Remond par Carmontelle (1765) et un lavis de Victor Hugo (1838). Le parc s'insinue dans les fossés, s'épanouit sur la terrasse et se prolonge par une avenue champêtre qui conduit à la façade orientale et aux bois du domaine.