Origine et histoire du Château de Montmusard
Construit entre 1765 et 1769 d’après des plans de Charles de Wailly pour Jean-Philippe Fyot de La Marche, le château de Montmusard fut une maison de plaisance remarquée pour son architecture néo-classique. À la fin du XVIIIe siècle, son propriétaire Claude-Hubert Anthony fit démolir les deux tiers de l’édifice, vers 1795, et transforma en corps de logis le passage entre les deux anciennes ailes. Le parc et les jardins du domaine dépassaient alors 74 hectares ; ils ont été progressivement morcelés au XIXe et XXe siècles. Aujourd’hui ne subsiste qu’un terrain boisé de moins de trois hectares, délimité par d’anciennes allées devenues rues, et les vestiges du château entourés de bâtiments scolaires rue Claude Bouchu.
Le territoire de Montmusard appartenait à l’abbaye Saint-Étienne de Dijon jusqu’en 1281, puis se transmit à diverses familles sous la forme d’une maison forte avec tour, grange, verger et soixante journaux de terres. Le domaine entra dans la famille Fyot après le mariage de Philippe Fyot d’Arbois en 1619 et son achat, le 23 mars 1639, à Marie des Barres pour 10 000 livres. La famille s’éleva progressivement dans la magistrature bourguignonne et, à partir du milieu du XVIIIe siècle, s’attacha à faire de Montmusard un marqueur de prestige.
Claude-Philibert Fyot de La Marche, héritier en 1723, enrichit le domaine en acquérant des parcelles voisines, dont la Motte Saint-Médard et le pâquier de La Lochère. Par ces achats et des travaux hydrauliques il constitua un ensemble clos qui, selon un arpentage de 1748 par Edme Verniquet, rassemblait 403 journaux environ, soit près de 137 hectares. Il fit aménager des jardins remarquables à la française avec parterres, bosquets de charmilles, théâtres de verdure, boulingrins, labyrinthe, fontaines, canal et pièces d’eau, reliés à Dijon par trois allées de tilleuls ; la porte Bourbon facilitait cette liaison.
En 1748 il fit ériger, à l’extrémité orientale du canal, un kiosque octogonal en bossages vermiculés, surmonté d’un lanternon et ouvert par huit baies cintrées sur un salon lambrissé. Posé sur un podium à demi enterré, encadré de fontaines et doté d’une terrasse belvédère, ce pavillon abritait une « table volante » qui faisait monter, depuis les cuisines souterraines, un service dressé dans le salon. Le kiosque, admiré pour son architecture et son mécanisme, était déjà décrit en état de ruine à la fin du XVIIIe siècle.
La reconstruction du château moderne revient à Jean-Philippe Fyot, qui confia à Charles de Wailly un projet néo-palladien d’une grande originalité. Les plans associaient deux ailes parallèles, une colonnade circulaire ouverte au levant — l’Odeum ou temple d’Apollon — et une rotonde occidentale abritant un salon des Muses coiffé d’une coupole hémisphérique ; le jeu du plein et du vide, du cercle ouvert et du cercle fermé, marquait l’audace du projet. Charles de Wailly vit dans cette proposition une des premières expressions du « style à la grecque » en France.
La première pierre fut posée en juillet 1765 ; l’abbé Fabarel fut chargé du contrôle des travaux, secondé par l’entrepreneur Joseph Taisand et le milanais Christophe Goualle, tandis que Bernard Poyet supervisa le chantier pour de Wailly. Les travaux semblent achevés en 1769 : François Attiret livra des statues pour la colonnade et François Devosge exécuta des bas-reliefs et devait peindre Apollon entouré des Muses dans la coupole. Ces réalisations ne suffirent pas à empêcher les difficultés financières de Jean-Philippe Fyot, qui démissionna en 1772 et mourut la même année.
Après la mort du marquis de La Marche le domaine fut vendu en décembre 1772 à Jacques Demay pour 120 000 francs ; il passa ensuite par alliance dans la famille Anthony. Leur fils Claude-Hubert Anthony hérita en 1783, transforma Montmusard en propriété de rapport, fit mettre en culture le parc et vit disparaître les ornements du jardin. En 1793 des offres pour le plomb du château conduisirent au démontage de la coupole, ce qui fragilisa l’édifice ; Anthony fit ensuite démonter les rotondes et détruisit l’aile méridionale, en partie pour échapper à l’impôt sur les portes et fenêtres.
Plusieurs historiens ont discuté l’interprétation de ces destructions : certains ont émis l’hypothèse que le château n’aurait jamais été achevé selon les plans de de Wailly, avançant l’absence de fondations sous certaines parties, tandis qu’Yves Beauvalot a soutenu la thèse d’un achèvement effectif par une démonstration documentaire. Quoi qu’il en soit, le domaine fut morcelé au XIXe siècle : à la mort de la veuve d’Anthony en 1857 il passa à Ernest Grasset, puis, dès 1867, la partie occidentale fut lotie ; des amputations supplémentaires intervinrent à la faveur de l’installation d’une ligne de chemin de fer et d’une gare. En 1933 la ville acquit 45 hectares orientaux pour y établir un parc des sports.
Charles de Wailly conserva un intérêt pour Montmusard et reprit des éléments du projet dans d’autres propositions, exposées aux Salons, notamment un pavillon destiné à Catherine II qui ne fut pas réalisé. Les vues et plans du château, gravés et peints par des artistes comme Jean‑Baptiste Lallemand, ont contribué à perpétuer la mémoire d’un ensemble aujourd’hui réduit mais longtemps célèbre pour l’originalité de son architecture et l’ampleur de son parc.