Origine et histoire du Château de Mortiercrolles
Le château de Mortier-Crolles, situé à un kilomètre au sud-est du bourg de Saint-Quentin-les-Anges (Mayenne), est un édifice de style Louis XII partiellement classé au titre des monuments historiques par arrêté du 2 janvier 1924. Les attestations anciennes citent les formes Mortiercrolle et Mortiercroulle (1415, 1514) et mentionnent la chastellenie, terre et seigneurie de Mortiercrolles (1570) puis la baronnie de Mortiercrolles (1662). Relevé de Pierre de Rohan, maréchal de Gié, le château fut rebâti dans les dernières années du XVe siècle et illustre la période de transition entre l'art gothique et la première Renaissance : la structure reste principalement française tandis que le décor adopte des accents italiens. L'emploi alterné de tuffeau et de briques, les larges baies s'étirant vers les toits grâce aux frontons aigus des lucarnes, ainsi que des corbeaux de mâchicoulis finement sculptés remplacent les masses défensives plus lourdes des décennies précédentes. L'enceinte, protégée par de larges douves, comportait aux angles quatre tours avec tourillons en encorbellement ; le châtelet d'entrée est particulièrement bien conservé et élégant. La chapelle, dont les murs sont ébréchés mais solides, se distingue par l'alternance de ses assises claires et brunes. Le logis principal, pourvu d'un perron couvert et de fenêtres à meneaux croisés mais peu orné, offre un caractère moins travaillé que ses abords architecturaux. L'espace intérieur délimité par la courtine était divisé en trois parties : un jardin desservant l'arrière du logis, une cour d'honneur accessible par le châtelet, et une basse-cour séparée de la cour d'honneur par un mur percé d'une porte monumentale. Comparé aux autres résidences du maréchal de Gié, Mortiercrolles demeure une œuvre architecturale représentative et digne d'étude pour cette époque intermédiaire entre gothique et Renaissance. La châtellenie fut érigée, avec celle de l'Hôtellerie de Flée, en baronnie vers 1500 par Louis XII selon un mémoire du XVIIIe siècle, même si le titre de baronnie n'apparaît qu'au milieu du XVIIe siècle ; elle relevait du roi par le duché d'Anjou et comprenait plusieurs fiefs dont Châtelais, Saint-Quentin, Mée et le Bourgneuf. Les sources décrivent les biens du domaine, notamment trois étangs avec moulin à blé, des bois et garennes, ainsi que divers droits sur la rivière et l'usage de la forêt de Flée et la chasse. Les redevances et corvées conservées dans les documents anciens incluent des livraisons de vin et de froment, des prestations liées aux mariages et fêtes locales (pelorre, chanson, quintaine), et des privilèges pour le seigneur tels que l'offre prioritaire de vente de vin pendant une période annuelle de quarante jours et quarante nuits. Parmi les seigneurs médiévaux figurent Maurice de Remefort, dont l'héritière Isabeau épousa Amaury de Clisson, puis Renaud d'Ancenis marié à Isabeau de Clisson, et Bertrand du Guesclin, qui fut inhumé à Brissarthe vers 1396 ; les dames précédentes avaient été enterrées à l'abbaye de Bellebranche et l'une d'elles fit, par testament de 1413, un legs destiné à l'usage paroissial. La famille de Rohan domina Mortiercrolles du XVe au XVIIIe siècle : Charles Ier de Rohan-Guémené épousa Catherine du Guesclin, Louis Ier lui succéda, et Pierre de Rohan-Gié rebâtit le château et fonda le couvent franciscain de Notre-Dame-des-Anges. La descendance comprit Éléonore de Rohan et d'autres héritiers ; Anne de Rohan y naquit et fut baptisée en 1606, et c'est au nom de ses enfants qu'elle rendit aveu au roi pour Mortiercrolles en 1668, alors que le domaine était de plus en plus délaissé par ses riches possesseurs. Au XVIIIe siècle, Ferdinand Maximilien Mériadec de Rohan vendit Mortiercrolles en 1763 à Jean-Baptiste du Tertre, marquis de Sancé. Jeanne du Tertre de Sancé porta la propriété à la famille de Préaulx en épousant Joseph-François de Paule en 1754 ; Joseph-Hilaire, huitième marquis de Préaulx (1814-1884), en hérita ensuite. Le marquis Odet de Montault transmit par la suite le domaine ; sa veuve, Agnès de Rohan-Chabot, se remaria avec Arthur de Rougé, et leur fille Antoinette, sixième duchesse de Caylus (1890-1954), recueillit ensuite Mortiercrolles.
