Origine et histoire du Château de Nemours
Le château de Nemours, ancien château-fort devenu Château-Musée en 1903, se situe à Nemours, dans le Gâtinais, à l'extrême sud‑est du département de Seine‑et‑Marne en Île‑de‑France. Classé au titre des Monuments historiques le 10 février 1977, il constitue un ensemble médiéval du XIIe siècle particulièrement bien conservé. Implanté à mi‑chemin entre Fontainebleau et Montargis, il occupe la rive gauche du Loing à l'emplacement d'un ancien passage à gué; la rivière ceint le site sur trois faces et assure une protection naturelle. À la frontière du royaume de France et du comté de Champagne, il a joué le rôle de verrou et de péage pour les personnes et les marchandises. Il fait partie des rares châteaux de ville d'Île‑de‑France parvenus quasiment intacts, avec des dépendances et une cité médiévale encore lisibles. Un premier château hypothétique a pu exister au XIe siècle lors de l'installation d'Orson comme seigneur, mais aucun vestige ni document ne l'atteste. Le château actuel est vraisemblablement l'œuvre de Gauthier Ier de Villebéon et a été édifié entre les années 1160 et 1190; la construction de l'église Saint‑Jean‑Baptiste de Nemours s'inscrit dans le même chantier. Sa position au passage d'un gué et aux marches de la Champagne lui conféra une fonction de péage et d'observation stratégique. En 1274, le seigneur Philippe III de Villebéon dut vendre le comté et le château au roi de France, la famille ayant été appauvrie par les croisades et la perte des revenus liés au péage. Transformé en duché‑pairie en 1404 par Charles VI, le territoire fut offert à Charles III de Navarre, passa par mariage et héritage à Éléonore de Bourbon et Bernard de Pardiac, puis à leur fils Jacques d'Armagnac, qui aménagea le château en résidence de plaisance en subdivisant les niveaux, en multipliant les cheminées, en perçant des fenêtres et en enrichissant les baies de décor sculpté. Après l'exécution de Jacques d'Armagnac en 1477, le domaine fut confisqué puis rendu aux siens jusqu'en 1503, avant une succession de propriétaires comprenant les familles de Foix, Julien de Médicis et la maison de Savoie, qui le posséda de 1528 à 1657. La maison de Savoie‑Nemours est associée à des travaux d'embellissement, notamment l'aménagement de jardins et d'un espace pour le jeu de paume. Les cachots et cellules existants furent réaménagés à partir de 1644 ; en 1672 Louis XIV donna le château en apanage à son frère Philippe d'Orléans, qui y installa la juridiction du bailliage, de l'élection et de l'hôtel de ville, avec un perron monumental et un portail ordonnés selon les principes classiques. Après la Révolution, le château fut vendu comme bien national en 1810 avec l'autorisation de Napoléon Ier; acheté par le maire Anne‑Antipas Hédelin, il fut rapidement revendu à la municipalité. La mairie y installa une école, reconvertit des espaces en salle de bal, théâtre et magasins, mais le bâtiment resta assez mal entretenu jusqu'au XXe siècle. En 1894 Auguste Rodin obtint l'autorisation de louer le château sans l'occuper; en 1901 le sculpteur Justin‑Chrysostome Sanson obtint des autorisations pour des travaux qui aboutirent en 1903 à l'ouverture du Château‑Musée de Nemours. Le donjon, de plan rectangulaire flanqué de quatre tourelles d'angle, comportait à l'origine trois niveaux — sous‑sol, rez‑de‑chaussée surélevé et premier étage — avant d'être élevé à quatre niveaux : une salle basse à pilier central au sous‑sol, un étage intermédiaire partiellement résidentiel avec latrines et lavabos, et l'étage seigneurial doté de deux grandes cheminées et d'un oratoire privé. L'oratoire, dans la tour sud‑est, illustre la transition entre l'art roman et le gothique par la diversité des chapiteaux, l'emploi d'ogives hautes d'environ huit mètres et de voûtes en sept voûtains, la disposition en deux niveaux d'arcatures brisées et l'abondant éclairage; des traces de polychromie subsistent. La galerie s'élève sur cinq niveaux et la tour de guet, qui atteignait trente mètres, comptait sept niveaux; une coursive en encorbellement de bois, aujourd'hui disparue, permit autrefois la surveillance du Loing. Au fil des siècles, l'élévation extérieure a évolué — crénels remplacés par des toitures et tourelles abaissées au XVIIe siècle — et des aménagements comme des baies à meneaux, coussièges et fosses à latrine témoignent des adaptations successives. Depuis le XIXe siècle, le château inspire peintres et écrivains; Victor Hugo l'a croqué en 1844 et en a livré une description critique de ses usages contemporains. Le monument a servi de décor pour plusieurs films et séries, a accueilli des projets chorégraphiques et télévisuels récents, et figure en 2024 parmi les vingt châteaux d'Île‑de‑France recommandés à la visite par Le Parisien.