Origine et histoire du Château de Pirou
Le château de Pirou, situé sur la commune de Pirou en Cotentin (Manche, Normandie), est un ancien château fort fondé dans la seconde moitié du XIIe siècle et profondément remanié au XVIIe siècle ; ses vestiges dominent une petite hauteur entre deux havres aujourd’hui asséchés, à environ 2,2 kilomètres au sud de l’église Saint‑Martin. Édifié d’abord en bois puis en pierre autour d’un donjon aujourd’hui disparu, il se trouvait au centre d’un étang marécageux qui assurait sa défense, sur l’emplacement d’un retranchement viking. Les premiers seigneurs, appelés « de Pirou » et mentionnés dès 1066, comptent parmi les propriétaires initiaux ; le château du XIIe siècle est attribué à Guillaume de Pirou. Au fil des siècles la seigneurie passa par alliances et confiscations : Jean de Pirou au XIIIe siècle, la famille de La Haye par mariage en 1319, puis des bouleversements pendant la guerre de Cent Ans, avec occupation par les Anglo‑Navarrais en 1370 et une période de possession anglaise longue de trente‑huit ans. Les du Bois retrouvèrent la seigneurie en 1450 et la conservèrent jusqu’à la division du fief en 1650 entre deux héritières, l’une d’elles ayant épousé Gabriel de Vassy ; après un procès achevé en 1679, le marquisat revint aux de Vassy qui procédèrent à d’importants remaniements et restèrent propriétaires jusqu’à la Révolution. En 1789 le comte Alexandre de Vassy est seigneur ; la seigneurie fut alors acquise par Charles‑Louis Huguet de Sémonville, qui fit de Pirou une simple ferme, puis la propriété passa successivement aux familles Quesnel de La Morinière, Michel d'Annoville et Sohier. Transformé en ferme à la fin du XVIIIe siècle, le monument se dégrada jusqu’à son rachat en 1966 par l’abbé Marcel Lelégard (1925‑1994), qui mena une vaste campagne de restauration entre 1968 et 1994 et légua le site à la fondation « Abbaye de La Lucerne » qu’il avait créée en 1981. Les façades, les toitures et les abords du château sont inscrits au titre des monuments historiques par arrêté du 4 juillet 1968. Construite en shell‑keep sur une plate‑forme entourée d’un étang artificiel, l’enceinte a un plan concentrique couronné de tourelles polygonales en encorbellement qui annoncent les mâchicoulis des siècles suivants. L’accès se faisait après le franchissement successif de trois douves et de portes défensives — trois des cinq portes originelles subsistent partiellement — puis par une série d’ouvrages d’entrée conçus pour exposer les assaillants. Le pont‑levis principal, dont on conserve encore les rainures dans la façade, a été remplacé au XVIIe siècle par un pont dormant en pierre à deux arches ; une tour carrée du XVe siècle commandait cet accès vers la cour intérieure. À l’intérieur de l’enceinte polygonale, qui comportait à l’origine six tourelles, les habitations étaient adossées au mur du donjon ; on y voit aujourd’hui une tour du XVe siècle et deux logis en équerre, l’un oriental avec portes cintrées et une petite lucarne sculptée de style Henri IV, l’autre, dit « logis neuf », de style classique et bâti en 1708 par la famille de Vassy. Les murs orientaux datent en grande partie du XIIIe siècle ; certains secteurs atteignent trois mètres d’épaisseur et sont percés d’archères, appuyés sur des contreforts surmontés de tourelles et d’encorbellements. Le château a conservé des améliorations des XIVe‑XVe siècles et des éléments issus des reconstructions du XVIIe siècle, mais le logis médiéval a été partiellement démoli avant la Révolution et des transformations postérieures y ont été apportées. La basse‑cour abrite plusieurs bâtiments seigneuriaux, parmi lesquels la chapelle Saint‑Laurent reconstruite au XVIIe siècle et renfermant des statues des XVe et XVIe siècles, la salle des Plaids, un pressoir, une charreterie et une boulangerie. Le site est aussi lié à la légende des oies de Pirou, selon laquelle un enchanteur aurait métamorphosé en oies le seigneur et sa famille pour les soustraire à un siège ; au retour un an plus tard, le grimoire ayant été détruit dans l’incendie du château, la formule n’aurait pu être lue, ce qui expliquerait la migration annuelle des oies dans le Cotentin. Cette légende a inspiré en 2006 une comédie musicale créée par les associations Magène et Hagdik, présentée au château de Flamanville faute d’espace suffisant à Pirou. Parmi les éléments à découvrir lors de la visite figurent la boulangerie, le pressoir, la chapelle, la salle des Plaids avec ses expositions saisonnières, la « Telle du Conquest » — tapisserie en laine sur toile de lin réalisée dans le dernier quart du XXe siècle d’après des esquisses de l’abbé Lelégard par Thérèse Ozenne, inachevée et mesurant 58 mètres — ainsi que le vieux logis, le chemin de ronde, les mâchicoulis et le parapet percé d’archères. Le château est ouvert au public tous les jours sauf le mardi, de l’arrivée des beaux jours jusqu’au 30 septembre.