Origine et histoire du Château de Pisy
Cette maison-forte se distingue par la qualité de son architecture et de sa sculpture ornementale, et a conservé son intégrité malgré une reconversion en exploitation agricole à partir de la fin du XVIIIe siècle, tant dans sa volumétrie que dans ses distributions intérieures et le maintien du second œuvre. Située à Pisy, dans l'Yonne en Bourgogne, elle a été considérée par l'historien Victor Petit comme l'un des édifices les plus importants de la région et un ensemble architectural militaire remarquable. Au XIIe siècle, la terre de Pisy appartient à la puissante famille de Montréal ; aucune fortification n'est mentionnée alors et la Maison d'Arcis constitue une branche cadette. Des documents liés aux croisades et aux donations de 1189 établissent les liens familiaux entre Anséric III, son fils Anséric IV et Jean, seigneur d'Arcis, et indiquent que Anséric IV et Jean I trouvent la mort au siège d'Acre en 1191. En 1235, Guy I d'Arcis obtient de son cousin Anséric VI de Montréal l'autorisation de bâtir une maison forte à Pisy et d'utiliser le bois de la forêt de Vausse ; cette maison forte sera jurable et rendable aux sires de Montréal. Les partages successoraux de la fin du XIIIe siècle conduisent à ce que Guillaume d'Arcis devienne seigneur de Pisy, marquant la séparation des seigneuries d'Arcis et de Pisy. Par mariage, le fief passe ensuite à la famille de Grancey ; selon une source du XIXe siècle Marguerite de Flandre aurait accordé des subsides pour des réparations vers 1373. Jeanne d'Arcis meurt vers 1390 et, après diverses donations, le fief est donné en 1412 à Pierre de Montot. En 1450 François de Surienne acquiert Pisy et la reconstruction du château est attribuée à Eudes de Ragny en 1480 ; Louis XI accorde alors la tenue de quatre foires à Pisy en 1482, et le fief relève du « donjon de Semur » depuis le retour de l'apanage bourguignon à la Couronne. Pendant les guerres de religion, les ligueurs s'emparent de Pisy en 1590 puis François de la Magdelaine le reprend, laissant des traces d'incendie sur la porte ; Montréal entre ensuite dans le marquisat de Ragny érigé par Henri IV pour François. Au fil des siècles la seigneurie passe entre les mains des familles Aux-Épaules, Brulart de Genlis et d'Harcourt ; vendue en 1779 à Antoine-Louis-Marie Destiennot de Vassy, elle est cédée à des spéculateurs en 1794 puis acquise en 1795 par Jacques-Emmanuel Laugier qui la conserve jusqu'en 1820. Transformé en bâtiment agricole depuis au moins le début du XVIIIe siècle, le château a été préservé par cette réaffectation et par le peu d'intérêt de certains propriétaires à le moderniser, ce qui explique son état de conservation exceptionnel malgré un certain délabrement ; il convient de noter qu'il s'agit d'un château fort devenu ferme et non d'une ferme fortifiée. Au XXe siècle le site reste loué comme exploitation agricole jusqu'aux années 1980, puis est vendu à l'artiste Pierre Saint-Paul qui y installe son atelier ; il est acquis au début des années 2000 par la comtesse Liliane de Marenches dont le projet hôtelier n'obtient pas les autorisations, et la fondation Comte et Comtesse de Marenches en hérite après son décès. L'association ESCHAP mène des actions de sauvegarde et, après son inscription aux Monuments historiques en 1944, l'édifice est classé en totalité par arrêté du 12 juillet 2013 ; en juin 2023 Guédelon annonce son acquisition pour le rénover avec le savoir-faire du chantier médiéval. L'accès au château est précédé d'une basse-cour autrefois défendue par un corps de garde et un premier mur d'enceinte, où se trouvaient un pressoir et un colombier rond ; aujourd'hui subsistent une partie du bâtiment du pressoir reconvertie en habitation et le mur de pourtour. L'ensemble fortifié forme une haute-cour avec logis seigneurial, chapelle et bâtiments agricoles : l'enceinte initiale du XIIIe siècle, rehaussée au XIVe, dessine un carré de plus de cinquante mètres de côté et comportait fossés et chemin de ronde, tandis que les bâtiments forment aujourd'hui un U largement ouvert vers la vallée d'Époisses après l'abaissement de la courtine sud. L'aile nord, sans doute la plus ancienne, rassemble un petit bâtiment voûté très remanié, la chapelle et le portail ; la chapelle, consacrée au XVIe siècle à la demande de Jacques Aux-Epaules mais d'architecture plutôt XIIIe, comporte deux travées voûtées d'ogives, mascarons, chapiteaux à décor végétal et deux baies en lancette, et fut successivement écurie et logement avant que son volume ne soit restitué au début des années 2000. Le portail conserve des vestiges des structures du pont-levis et le logis d'angle nord-est porte les armes de Ragny avec une scène de bataille peinte sur la cheminée de la chambre dite « chambre rouge ». L'aile est, composée du retour en L et d'un grand logis de 45 mètres, présente deux niveaux, combles et caves, et deux escaliers en vis en saillie : l'un, rectangulaire et peut-être ancien, dessert les étages et le cellier, l'autre, richement décoré et attribué aux Aux-Épaules, relève de l'inspiration Renaissance et porte leur blason, ce qui situe sa réalisation au début du XVIe siècle. Le grand logis, transformé en bergerie, conserve le chemin de ronde aménagé dans l'épaisseur du mur, partiellement impraticable en raison d'abaissements de charpente, et deux puissants contreforts côté sud dont l'un possède une plateforme accessible depuis le chemin de ronde. L'aile ouest regroupe constructions agricoles — écuries, étables, bergeries, granges — autour d'un pigeonnier carré édifié après l'abaissement de la courtine ; un petit bâtiment de clapiers à couverture de lave, postérieur à 1808, subsiste, tandis que une tour ronde d'angle et une tourelle carrée ont disparu après la Révolution. Les toitures en lave des grandes dépendances ont été remplacées par des tuiles en raison des difficultés d'entretien. Le château de Pisy a servi de décor à plusieurs productions, dont le film Le Mal d'aimer (1986), Jeanne la Pucelle (1994) et la série La Commanderie tournée en 2009, qui ont utilisé ses salles et ses extérieurs pour des reconstitutions historiques.