Origine et histoire du Château de Rabaud
Le château de Rabaud, situé aux abords de Masseret en Corrèze, illustre une maison forte rurale caractéristique du Limousin. Daté d'après son décor architectural du début du XVIe siècle, il présente un plan rectangulaire avec une tour d'escalier centrale circulaire en hors-œuvre et, sur la façade opposée, deux échauguettes d'angle découronnées. La tour principale, coiffée d'une poivrière en ardoises d'Alassac clouées sur volige, abrite un escalier à vis en pierres taillées desservant la cave voûtée, le rez-de-chaussée, le premier étage et le grenier. Au-dessus de la porte d'entrée se remarque un blason lisse dépourvu d'armoiries. Les échauguettes, autrefois surmontées de poivrières comme le montre un dessin d'Elisabeth de Corbier de 1896, furent décoiffées vers 1900; ce dessin a servi de base à une reconstruction réalisée en 2020 avec l'autorisation de la DRAC de Limoges. Le château et ses dépendances conservent les éléments d'une économie rurale autarcique : un puits au nord-ouest, un pigeonnier dont les alvéoles sont creusées dans le pignon sud de la grange, une grange servant d'étable avec sa mangeoire usée, et un double four à pain dans la maisonnette parallèle au manoir. Le jardin comporte les vestiges de canalisations d'irrigation alimentées par une source en amont, un large bassin rectangulaire à débordement vraisemblablement utilisé comme lavoir et un puits d'eau potable. Abandonné, ce jardin a laissé place à une ormaie rudérale dont les rejets d'orme sont toutefois menacés par la graphiose. Sur la façade postérieure, l'une des échauguettes a conservé des barreaux à la fenêtre, et l'on observe, entre la grange et la maisonnette du four, un trou carré dans un chaînage de pierres chanfreinées destiné à recevoir une poutre transversale pour fermer une porte forte, indice d'une occupation dès le XIIIe siècle selon l'architecte des bâtiments de France. La mémoire locale évoque l'existence d'un souterrain partant vers Masseret sur plusieurs centaines de mètres, mais des sondages récents n'ont pas permis de le mettre au jour. À l'intérieur, la pièce principale est chauffée par un cantou et pavée d'un sol en pisé typique de la région; le plafond à la française, « tant plein que vide », et la plupart des poutres taillées à l'herminette semblent d'origine. Des éléments sculptés, notamment un corbeau et un modillon en tête d'homme ainsi qu'un autre taillé en tête de chat à l'angle sud-est, ont été rapportés ou remployés dans la structure. Un cabanon au toit à quatre pans, figurant déjà sur le cadastre de 1812, est orné d'un épi de faîtage en terre cuite émaillée surmonté d'un oiseau et percé de trous destinés à siffler au vent. Le château est représentatif d'un type d'habitat se développant du Moyen Âge au début de la Renaissance dans la région : maisons fortes quadrangulaires à tours d'escalier et échauguettes, qualifiées localement de « repaire ». Des exemples comparables existent en Corrèze, notamment le château d'Auyères à Goulles et, dans une moindre mesure, le château de Lachaud à Meilhards. Rabaud et ses dépendances ont été inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1990, protection qui a notamment permis d'empêcher le tracé de l'autoroute A20 à proximité immédiate du manoir. La propriété a connu une succession de propriétaires cités par les historiens locaux : les Laplace, les Saint Aulaire, puis Julien Courteys, mari de Jeanne de Joyet; elle passa ensuite à Bertrand Courteys, à Maleix, aux Corbier et fut adjugée à Mme de Saulnier en 1854, avant d'appartenir à Mlle d'Almay de La Garennie et, en 1944, à M. Baillot d'Estivaux. Franck Baillot d'Estivaux, qui décrivit la charte de 1430 de Masseret à partir d'une copie de 1524, fut membre de la société archéologique et historique du Limousin et publia des études sur Masseret. Selon ce même auteur, Rabaud abritait déjà au XIIIe siècle un rendez-vous de chasse, hypothèse soutenue par un détail d'architecture repéré par un architecte des bâtiments de France, et une chapelle était encore mentionnée près du portail de sortie jusqu'en 1710. La maison porte aussi des marques de catholicité, comme une croix sculptée sur le conduit de cheminée visible dans le grenier, et des liens familiaux ont été établis entre certains propriétaires et des mécènes d'objets religieux ayant contribué à des dévotions et pèlerinages à Masseret.