Origine et histoire du Château de Rochecotte
Le château de Rochecotte, situé dans le village de Saint‑Patrice près de Langeais (Indre‑et‑Loire), occupe l'emplacement d'une forteresse du XVe siècle dont aucune trace ne subsiste. Sans doute reconstruit au XVIIIe siècle, il a été fortement remanié et transformé par Dorothée de Courlande, duchesse de Dino, après 1825. La chapelle a été élevée en 1840 à l'emplacement de la chambre occupée par Talleyrand. L'édifice principal se compose d'un corps de bâtiment entre deux pavillons carrés ; la travée centrale présente deux portiques superposés de quatre colonnes soutenant un fronton triangulaire orné des armoiries de Talleyrand portées par deux aigles. À l'est du pavillon sud, une aile en retour d'équerre, formée d'un rez‑de‑chaussée surmonté d'une terrasse, porte la chapelle dont la façade présente un portique et un fronton au‑dessus duquel sont trois bas‑reliefs représentant, au centre, le Couronnement de la Vierge, à gauche un baptême et à droite la communion d'une bergère. Les communs forment un long bâtiment au nord. Le château, principalement de la fin du XVIIIe siècle, a fait l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques le 22 mai 1948 ; seuls les bâtiments des communs ont été inscrits, tandis que le parc et les jardins ont été repérés comme jardins remarquables. La propriété a connu une succession de seigneurs documentés depuis Antoine de La Châteigneraie par le chef de sa femme Edmée de Coué (1540), puis Gabriel le Bascle (1607), Balthazar le Bascle (1671) et N. de Jaucourt (1698). Par décret des requêtes du palais, le domaine fut adjugé le 18 novembre 1700 à Marie du Bellineau, épouse de René Guillon, et la terre fut érigée en marquisat en janvier 1767 au profit de Fortuné Guillon de Rochecot. Parmi les héritiers, Fortuné Guyon de Rochecotte participa à la seconde Chouannerie et fut exécuté sous le Directoire. La chapelle formait un bénéfice dont Fortuné Bouin de Noiré était titulaire en 1790, et le domaine fut estimé à 600 000 livres sous l'an XII. En 1824 Gatien de La Motte‑Baracé et son épouse vendirent Rochecotte à René de Lasselle de Ligué, qui le céda en 1828 à la duchesse de Dino pour une somme importante. La duchesse entreprit d'importants travaux, agrandit et remeubla le château, y réunit riches collections et objets d'art et y installa des équipements de confort modernes pour l'époque, dont des béliers hydrauliques. Talleyrand, oncle par alliance et amant de la duchesse, y séjourna fréquemment, y tint salon et reçut de nombreuses personnalités politiques et ecclésiastiques ; c'est à Rochecotte que se tinrent des réunions préparatoires à la fondation du journal Le National en 1830. La duchesse fit sculpter sur la façade les armes de sa belle‑famille et la devise gasconne « Re que Diou », et transforma l'appartement de Talleyrand en chapelle après sa mort, l'autel occupant la place de son lit ; cette chapelle fut bénie par l'abbé Dupanloup le 12 novembre 1841. Le 17 août 1847 Dorothée donna Rochecotte à sa fille Pauline de Talleyrand‑Périgord, qui y vécut puis y mourut peu après ; la duchesse choisit ensuite de résider à Sagan, où elle mourut en septembre 1862. Au fil du XIXe siècle le château accueillit divers hôtes et événements, parmi lesquels le séjour en 1871 du prince Frédéric‑Charles de Hohenzollern et, en 1895, les festivités du mariage de Boniface de Castellane ; Antoine de Castellane fit bâtir en 1890 des écuries qui conservent son monogramme à deux C enlacés. En 1934 Stanislas de Castellane vendit Rochecotte à l'architecte d'intérieur Emilio Terry, qui restaura et redécora le château pendant trente‑cinq ans et le légua ensuite à son petit‑neveu Henri‑Jean de Castellane. Pendant la Seconde Guerre mondiale, des archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères furent entreposées à Rochecotte, dont l'original du traité de Versailles et le traité de Saint‑Germain ; le traité de Versailles fut confisqué par les Allemands en août 1940 puis transporté à Berlin, son sort exact faisant l'objet de récits divergents et il ne figurait pas parmi les documents restitués à l'État français en 1993‑1994. Des témoignages et récits d'époque évoquent également la présence au château de diplomates et d'objets retirés des archives, ainsi que des épisodes de la vie locale durant la Libération en 1944. Le dernier Castellane propriétaire céda le domaine le 16 janvier 1978 à la Société Marcel Joly, qui procéda au démembrement et à la dispersion d'une partie du mobilier et des collections. La demeure, vide et fermée, fut rachetée en 1984 par la famille Pasquier, qui la restaura et l'exploita comme hôtel‑restaurant de luxe, transformant le château en établissement quatre étoiles. Un important fonds d'archives et de souvenirs des familles Talleyrand et Castellane provenant de Rochecotte figura dans une vente d'autographes et de souvenirs tenue au château de Cheverny le 3 avril 2017.