Origine et histoire du Château de Saint-Gratien
Le domaine de Saint-Gratien, situé sur la commune éponyme dans la Somme au nord‑est d'Amiens, comprend un château, des communs, une chapelle et un parc d'environ huit hectares. Le château fut d'abord le siège d'une seigneurie portant le même nom, puis appartint aux familles échevinales amiénoises May (XVe siècle) et Saint‑Delis (XVIe siècle), avant de passer aux Hirzel, protestants d'origine suisse. En 1778 Salomon d'Hirzel vendit le domaine à Jean‑Baptiste Jourdain de Thieulloy, issu d'une famille amiénoise anoblie en 1735. En 1786 Jourdain chargea l'ingénieur‑architecte amiénois Jean Rousseau de reconstruire le corps de logis ; l'ancienne demeure du XVIIe siècle fut partiellement conservée pour les communs. Le nouveau corps de logis, une « folie » de style néo‑classique, fut rapidement élevé et achevé en 1789 ; il est construit en craie extraite des carrières de Bavelincourt. Les sculptures des façades, d'après les dessins de Rousseau, furent exécutées par le sculpteur François‑Joseph Gruau ; elles étaient presque achevées en 1788 et furent payées 760 livres. La chapelle fut inaugurée en 1793. Depuis la fin du XVIIIe siècle, les modifications ont été limitées : le parc à la française d'origine fut transformé en parc à l'anglaise en 1826, ne conservant qu'une charmille, et en 1860 la partie supérieure du pigeonnier fut démolie puis reconstruite en briques ; une galerie, établie entre le corps de logis et la cuisine dans la cour des communs, subsista jusqu'en 1948. Le château est resté dans la descendance de son constructeur. Le 31 mai 1918, le général Monash y installa le quartier général de la 3e division australienne en vue de la bataille du Hamel. L'ensemble du château, les façades et toitures des communs ainsi que le parc sont protégés au titre des monuments historiques par arrêté du 21 décembre 1954. Architectoniquement, le bâtiment présente un plan rectangulaire avec un pavillon central légèrement saillant, bordé de chaque côté par des ailes plus basses ; il s'élève sur trois niveaux couronnés d'une toiture à la Mansart et le haut du pavillon est orné d'un entablement à triglyphes. Le décor sculpté des façades associe vases, feuillage et sphinx, œuvres de Gruau d'après Rousseau. À l'intérieur, la grande salle à manger, éclairée au nord par de larges fenêtres, est séparée par des colonnes d'ordre ionique de deux hémicycles latéraux ornés de vases logés dans des niches ; le grand salon conserve des lambris peints et sculptés et un plafond à sujets mythologiques évoquant le lever du jour. Le château a gardé son mobilier d'origine. Parmi les dépendances proches, un colombier et d'autres bâtiments en brique et pierre datent du XVIIe siècle. La chapelle, située près de l'entrée du parc et achevée en 1793, conserve un autel de style néoclassique, un décor en relief et des pierres tombales qui pavent le sol. Le parc, agrandi au XIXe siècle, offre devant le château une pelouse débouchant sur une prairie bordée de chênes pluriséculaires, vestiges du bois des Glands déboisé pour la construction du domaine, et à l'arrière un vaste parc arboré qui, en son extrémité, permet d'apercevoir le mémorial national australien de Villers‑Bretonneux. Parmi les sujets remarquables plantés vers 1825 figurent des châtaigniers, des chênes, des marronniers, un tulipier de Virginie et des pins noirs d'Autriche ; la charmille du XVIIIe siècle se réduit aujourd'hui à une unique allée côté nord.