Origine et histoire du Château de Saint-Ouen
Le château de Saint-Ouen occupe une terrasse dominant la Seine à la périphérie du vieux Saint-Ouen-sur-Seine. L'édifice actuel, de style néo-classique inspiré du palladianisme et représentatif de l'architecture de la Restauration, a été construit au XIXe siècle par Jean-Jacques-Marie Huvé sur l'emplacement d'un château antérieur élevé pour Joachim Seiglières de Boisfranc par Antoine Le Pautre. Louis XVIII signa à Saint-Ouen la Déclaration qui précéda l'établissement de la Charte, puis fit démolir l'ancien château pour édifier, sur ce même terrain, une demeure cubique destinée à la comtesse du Cayla, Zoé Talon ; le roi aurait participé à l'élaboration des plans et confié des esquisses à Huvé. L'inauguration eut lieu un 2 mai, jour anniversaire de la Déclaration, avec la bénédiction d'une chapelle souterraine ; l'ameublement et la décoration furent confiés à des artisans renommés dont Pierre-Antoine Bellangé et plusieurs bronziers, et un ensemble de peintures fut réalisé par François Gérard. La comtesse du Cayla y vécut jusqu'à sa mort et le domaine conserva alors un parc agrémenté d'arbres et de fabriques. Une partie du mobilier fut transférée au château d'Haroué en Lorraine au milieu du XIXe siècle ; cet ensemble, racheté par l'État plus tard, pourrait être réexposé dans le château.
Auparavant, le château élevé pour Boisfranc formait un domaine somptueux avec orangerie décorée d'une fresque par Bon Boullogne et une organisation intérieure remarquable, notamment une enfilade de salons à l'italienne remaniés par les Slodtz au XVIIIe siècle ; la marquise de Pompadour acquit l'usufruit du domaine et y mena des travaux importants pour en faire un lieu de représentation. Le domaine passa ensuite à divers propriétaires et connut plusieurs usages : hippodrome, hôpital militaire pendant la Première Guerre mondiale, puis investissement industriel après son rachat par Thomson-Houston, qui morcella le terrain en y implantant une usine et en réservant des terrains de sport et des jardins ouvriers. Le château fut également touché par les événements du siège de Paris et participa aux combats de la libération en 1944.
La commune acquit le domaine à la fin des années 1950, le fit restaurer au début des années 1960 et y installa un musée d'histoire locale ; depuis, il a aussi accueilli des activités culturelles et éducatives. Le château est protégé au titre des monuments historiques, protection qui a été étendue par un classement global incluant la galerie périphérique en sous-sol et le sol qui en constitue la couverture. Le mobilier conservé et l'histoire du lieu ont fait l'objet d'acquisitions et de projets de restitution et d'exposition menés par l'État et les services du patrimoine au cours des dernières décennies.
Architecturalement, le bâtiment s'organise sur un plan carré, élevé sur trois niveaux avec un rez-de-chaussée surélevé, des façades symétriques et un toit en pavillon. Les ouvertures varient selon les niveaux : arcs en plein cintre au rez-de-chaussée, baies rectangulaires à l'étage supérieur et un demi-étage sous comble ; l'entrée est marquée sur deux façades par un porche à deux colonnes doriques, surmonté d'un entablement et d'un balcon à balustres. Les pièces de réception du rez-de-chaussée conservent pour l'essentiel leur décor d'origine : la salle à manger est rythmée par douze colonnes surélevées et des portes plaquées de loupe d'orme, la salle de billard présente moulures, dorures, cheminées et un dispositif de carreaux en marbre au sol tandis que le salon, la pièce la plus riche, comportait une inscription commémorant la Déclaration face au portrait du roi par Gérard. Un grand escalier d'apparat, doté d'une rampe en bronze partiellement dorée et d'une main courante en acajou, dessert le premier étage où se trouvaient les appartements de la comtesse et de ses enfants ; cet étage a conservé en grande partie sa disposition, mais seuls quelques éléments de décor subsistent. Les étages supérieurs ont été modifiés, sans que leurs dispositions initiales ne cessent d'être lisibles.